Ben Gastauer : « Je ne voulais pas faire la saison de trop »

Professionnel depuis 2010, Ben Gastauer tirera sa révérence à l’issue du Tour de Luxembourg qui démarre ce mardi depuis le Kirchberg. Une belle manière de tourner la page pour le cycliste qui restera l’homme d’une seule formation, AG2R Citroën.

Ben, comment cette décision de prendre votre retraite a-t-elle mûri dans votre esprit ?

En fait, ça m’est venu à la suite de ma dernière blessure. Mi-avril, je ne pouvais plus rouler, je suis resté deux mois sans pouvoir monter sur un vélo. J’avais le soutien de l’équipe, qui m’a dit « ne t’inquiète pas, si cela va mieux, tu pourras continuer, c’est ta décision ». Et en juillet, j’avais espéré pouvoir reprendre un entraînement correct, afin de retrouver un niveau suffisant, mais cela ne s’est pas passé comme prévu, je suis toujours un peu embêté. J’ai eu des doutes sur ma capacité à être à 100% en 2022, et faire une saison sereine sans m’inquiéter, mais je voulais rester honnête par rapport à l’équipe et arrêter était la seule bonne décision à prendre. Je ne voulais pas faire une année de trop, comme cela peut arriver à beaucoup de sportifs. Je suis content de ma carrière, et pour moi c’était le bon moment pour arrêter et avoir une belle fin avec ce Tour de Luxembourg. Tout était réuni, et c’était selon moi le moment de dire stop, je ne voulais pas être malheureux sur un vélo.

Est-ce que vous avez déjà des plans pour votre reconversion, votre après-carrière ?

J’ai quelques idées, quelques projets, mais maintenant il faut voir comment tout cela se développe durant les prochains mois. Il y a encore des choses à voir et à régler avant que je puisse dire concrètement de quoi mon avenir sera fait. J’ai envie de reprendre mes études, mais je dois m’organiser et voir comment c’est possible de le faire.

Après toutes ces années sur un vélo, le monde du haut niveau ne risque-t-il pas de vous manquer ?

Je pense qu’il y a des moments où cela va me manquer un peu. Mais maintenant je découvre la vie de famille et je suis tout le temps à la maison, ce qui est aussi très chouette. J’ai toujours apprécié le fait d’être à la maison, mais il fallait tout le temps repartir, donc maintenant c’est quelque chose que j’apprécie vraiment beaucoup et qui me fait plaisir. Les enfants sont aussi très contents que je sois à la maison, mais il y a des moments où partir sur des courses avec les copains va me manquer. C’est une nouvelle vie qui commence, avec de nouveaux projets, donc c’est excitant ce qui m’attend. Mais en 12 ans, j’ai vécu tellement de bons moments avec l’équipe…

Une carrière de sportif de haut niveau, c’est beaucoup de sacrifices ?

Oui, ça représente des sacrifices. Après, je ne le voyais pas comme cela parce que j’ai toujours exercé mon métier avec beaucoup de plaisir, mais maintenant je réalise toutes les choses que je n’ai pas pu faire avant. Et cela me fait plaisir de rattraper du temps avec ma famille.

Comment le cyclisme a-t-il évolué depuis vos débuts chez les professionnels ?

Le vélo a beaucoup évolué durant les 12 années où j’étais dans le peloton. Tout est devenu beaucoup plus professionnel. Par exemple, dans notre équipe, quand je suis arrivé, il n’y avait pas d’entraîneur. Maintenant, il y en a cinq ! Les structures ont changé, le sport a beaucoup évolué dans ce sens-là au niveau de l’encadrement, car avant tout le monde se débrouillait un peu comme il le voulait à la maison. Maintenant, tout est encadré, on n’est plus tout seul. Cela a beaucoup changé, mais dans le bon sens du terme. On voit aussi que le niveau est beaucoup plus élevé et plus homogène qu’avant. Il y a beaucoup de coureurs à un très haut niveau.

Si on jette un coup d’œil dans le rétroviseur, quels sont les souvenirs les plus marquants que vous garderez de toutes ces années ?

Pour moi, c’est déjà très important d’avoir fait toute ma carrière au sein d’une même équipe. C’est quelque chose dont je suis assez fier parce que c’est vraiment rare. Et cela montre que j’avais une très bonne relation avec l’équipe, elle m’a fait confiance jusqu’à la fin, en me laissant le choix de continuer ou non. Dans d’autres équipes, je pense que cela aurait été différent. Je suis très fier de cette relation. Si je dois choisir un souvenir concret, je pense que c’est le Tour de France 2014. C’était mon premier, et on a gagné le classement par équipe, et avec Jean-Christophe Péraud qui finit deuxième et Romain Bardet sixième, c’était une grande prestation d’ensemble pour l’équipe et on ne s’y attendait pas forcément. C’était de très grands moments pour moi et AG2R.

Fait rarissime en cyclisme, vous êtes resté toute votre carrière dans l’équipe AG2R. Est-ce que vous n’avez jamais été tenté d’aller voir ailleurs ?

Depuis mes débuts je me sentais bien dans l’équipe. Et du coup, à chaque fois que j’avais des propositions pour prolonger assez tôt dans la saison, je voyais que l’équipe allait dans la bonne direction, qu’elle cherchait à s’améliorer. Pour moi, il n’y avait pas de raison de partir. Je n’avais pas besoin de chercher ailleurs, car je me sentais bien.

Vous avez pu choisir le moment de dire « stop », et c’est une chance, car parfois les fins de carrière sont plus brutales dans le milieu du cyclisme.

Oui, c’est quelque chose d’important de pouvoir choisir la fin. J’ai senti que c’était le bon moment et, en effet, cela change beaucoup les choses quand on choisit soi-même de pouvoir arrêter. L’idée me trottait dans la tête depuis un moment et l’annonce de ma retraite m’a fait du bien. J’ai envie de profiter de mes dernières semaines en tant que pro, mais j’ai aussi envie de découvrir ce qu’il y a après, et je ne ressens pas d’angoisse par rapport à cela, ce qui peut être le cas pour beaucoup de coureurs qui ont une fin plus brutale, oui.

Pouvoir terminer sur les routes du Tour de Luxembourg, c’est une belle récompense ?

Oui, c’était important pour moi. D’autant plus que je n’ai pas eu l’occasion de faire souvent le Tour de Luxembourg, même si j’ai toujours aimé y participer. Quand j’ai annoncé au manager de l’équipe mon intention d’arrêter en fin de saison, je lui ai demandé si c’était possible que ce Tour de Luxembourg soit ma dernière course, et ils ont tout de suite trouvé que c’était une bonne idée. Donc là aussi ils m’ont soutenu, et ce sera important de pouvoir voir ma famille à l’arrivée. Voir les copains au bord de la route, ce sera un plaisir aussi. Me battre une dernière fois, devant tous les gens que je connais et qui m’ont soutenu durant ma carrière, c’est important.

Au moment de l’annonce de votre retraite, le monde du cyclisme a salué chez vous vos qualités de coéquipier modèle. C’est un rôle dans lequel vous vous êtes épanoui ?

Oui, c’était mon rôle dans l’équipe, et c’est aussi une des raisons pour lesquelles je suis resté longtemps au sein de celle-ci. Ils m’ont laissé dans un rôle que j’aimais bien, même s’ils ont eu envie parfois que je fasse autre chose, ou que j’essaie de me glisser dans des échappées, mais ils ont toujours apprécié mon boulot. Mais c’est un rôle que j’ai toujours aimé. On n’est pas l’équipe la plus importante du World Tour, mais on a toujours réussi à faire quelque chose sur les grands tours.

De quel coéquipier garderez-vous les souvenirs les plus marquants ?

Je pense que c’est Jean-Christophe Péraud et Romain Bardet. C’était nos grands leaders. Avec Jean-Christophe, on faisait chambre commune sur le Tour 2014, et c’était vraiment quelque chose d’exceptionnel ce qu’on a vécu cette année-là avec son podium. Et Romain aussi m’a beaucoup marqué. En arrivant dans l’équipe, il marchait tout de suite très fort et il était impressionnant. Il s’entraîne très dur et reste toujours concentré et sérieux, c’est très rare des coureurs aussi impliqués que lui.

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