Boardwalk Empire, monstrueuse série d’HBO et généralement assez sous-cotée racontait l’histoire de gangster durant l’ère de la prohibition. Les Sopranos, autre production du géant de la télévision américaine, et souvent considérée comme la meilleure série de tous les temps, traitait elle aussi de la mafia mais à l’ère contemporaine.
De ces deux chefs d’oeuvres, un nombre incalculable de rapprochements peut être fait. Des acteurs (Steve Buscemi, Michael K. Williams, Vincent Piazza, Dominic Chianese ou encore Greg Antonacci), aux scénaristes et réalisateurs (Terence Winter, Vince Van Patten), ou thème évidentd’anti-héros à la tête d’une association illégale, dangereuse et attachante : les points communs sont légion.
Mais, autre similitude plus subtile : l’importance du golf dans les péripéties des personnages principaux. C’est en effet sur des beaux parcours que ces derniers rencontrent sénateurs, truands, ou autres personnes à la morale ambiguë pour signer des accords de partenariats ou autres affaires plus sordides. Un networking qui, certes moins funeste l’immense majorité du temps, est absolument représentatif de l’impact du golf dans le monde du business. Depuis toujours, la discipline est utilisée pour connecter, négocier et aboutir sur des accords.
Pour bien des raisons, cette activité sportive semble être l’outil parfait. Avant tout, il convient de parler de la durée d’un parcours. Ici, nous sommes loin du pitch de l’ascenseur. Il n’est pas question de cinq minutes pour convaincre. « Le golf offre une opportunité unique de se lier avec quelqu’un pour une durée significative. SI vous mangez avec quelqu’un, cela durera environ une heure. Au golf, vous avez la possibi-lité d’apprendre à connaître quelqu’un bien plus puisque vous vous affrontez sur le parcours à deux. À l’époque du télétravail, le golf est un des derniers lieux dans lesquels il est possible de maintenir le contact personnel » déclare Bill Walsh, professeur à Syracuse. L’objectif est alors de se jauger, moins dans la pratique du golf même que dans la personnalité intrinsèque d’une personne. Il n’y a en effet que peu de situations qui permettent d’en savoir plus sur le caractère d’un humain que la compétition. Prompt à l’emportement, la colère, la provocation ou la triche, ces défauts seront aisément visibles sur le parcours et per-mettront à un interlocuteur de vite cerner le personnage en face. Et, si les traits de personnalité sont positifs, il y aura là alors le temps de discuter, se rapprocher et tomber d’accord sur quelque chose. Une opinion partagée par une immense majorité des pratiquants du sport, puisque 80% d’entre eux considèrent que la manière de jouer au golf d’une personne est similaire à sa gestion des affaires. Et ce n’est pas Cody Plott, directeur marketing de Hyatt pendant deux décennies qui dira le contraire : « Sur une petite période de temps, vous en découvrez plus sur l’intégrité et la concentration d’un individu que dans tout type d’entretien ».
C’est donc dans ce contexte que vos capacités d’obser-vation seront des plus utiles. La capacité de comprendre l’individu se retrouvant devant vous en se basant sur son style de jeu – et rien d’autre que cela – est déjà en soi une mine d’information. Il est ainsi fort probable qu’un golfeur pratiquant une approche safe (« si la balle reste sur le fairway, c’est déjà ça ») sera moins enthousiaste à l’idée de signer un contrat risqué qu’un joueur ayant un style « ça passe ou ça casse ». Tant de traits difficiles à cerner dans des bureaux où le contrôle de soi est éminemment bien plus maîtrisé.
Autour d’un parcours, il convient de savoir trouver le juste ton pour ne pas tout de suite être estampillé faux amateur de la discipline. L’amour pour le golf se doit d’être sincère et la pratique, quel que soit le niveau, sérieuse. Comme l’a déclaré George Souri, spécialiste du networking au golf, à Forbes : « Utilisez votre temps sur le parcours pour développer la relation et non pas signer un deal. Etre trop excité de parler boulot aura pour effet de plus énerver votre partenaire, ou pire, baisser leur concentration et niveau de jeu. Et, si la journée se termine par une mauvaise carte, vos chances d’aboutir à quoi que ce soit en seront sérieuse-ment diminuées. » Ainsi, tout ici est une question de temps, découverte de niveau de jeu et personnalité. Il faut être capable d’instaurer une certaine subtilité et laissez-vivre pour réussir quoi que ce soit.
Ainsi, depuis toujours, le golf a été un facteur clé dans la né-gociation et le networking. Il va de soi que le travail de sape effectué sur les fairways se concrétise plus tard. En effet, un contrat n’est pas signé entre deux trous. Le but est ici de poser les bases avant de consolider tout cela plus tard, même si certaines histoires sont entrées dans la légende. C’est le cas de l’anecdote mythique de Juan Trippe et Bill Allen, respectivement présidents de Boeing et Pan America et qui, soumis à un rythme de vie incessant, optaient pour se retrouver dans la paix et tranquillité d’une partie de golf. Un havre de quiétude qui ne les empêchait pas de parler boulot, et qui aboutira, un jour à un pari totalement fou : la construction du Boeing 747. Alors que les deux hommes enchaînent les trous et discutent de tout et de rien, un mélange de chambrage et discussion sérieuse aboutit en ce défi final : « Si tu as le cran de me construire un avion capable de transporter jusqu’à 500 passagers, avec une grande capacité de cargo, je te l’achète », lance Juan Trippe au patron de Boeing. Ni une deux, Bill Allen accepte, et ainsi naquit l’avion populaire le plus utilisé dans le transport de passager de l’histoire de l’aviation.
Une histoire parfaitement symbolique des capacités fédé-ratrices de ce sport. Dans un état d’esprit plus apaisé, où relations humaines prennent de l’importance, et où, chose rare pour de nombreux businessmans, il est possible de prendre son temps, nombreux sont ceux qui sauront joindre l’utile à l’agréable. Et, quand bien même tout ceci ne porte pas ses fruits, il vous restera toujours ce formidable putt au trou numéro 12, synonyme de birdie. Bien joué.
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