Jeff Strasser est le dernier en date d’une longue série d’entraîneurs qui n’auront pas l’opportunité de terminer une saison qu’ils avaient commencé sur le banc d’une équipe de BGL Ligue. Éléments d’analyse d’une hécatombe.
Sur les 16 clubs engagés en BGL Ligue, ils sont moins de la moitié à avoir conservé leur coach en équipe première. Seuls sept entraîneurs sont toujours en poste depuis le début de saison avant la 20e journée ce week-end. Les survivants : Pedro Resende, inamovible en surclassant le championnat avec Differdange. Yannick Kakoko, arrivé cet été au Racing, a été la bonne surprise du début de saison. David Zitelli (Mondorf) et Arnaud Bordi (Jeunesse) donnent satisfaction en première partie de tableau. Martin Forkel (Rosport) poursuit avec efficacité l’aventure. Enfin, Marc Thomé (Hostert), qui a créé la sensation parmi les promus, et le fidèle Olivier Baudry (Bettembourg) semblent n’avoir rien à craindre.
Neuf coachs ont fait les frais des résultats décevants (Mazurier, Van den Broeck, Herinckx, et donc Strasser), de la stratégie du club (Pereira, Ribeiro, Martino), ou de la fatigue mentale associée à l’environnement direct (Bensi, Da Costa). Neuf départs, souvent officiellement « à l’amiable », comme un divorce où l’on resterait amis pour le bien des enfants. Face aux micros, la décision est prise d’un « commun accord » pour ne pas plomber davantage un club dont le comité entend insuffler un électrochoc. Le coach, fusible naturel ?
Probablement quand les performances sont loin en-deçà des standards fixés conjointement avant la saison. Pascal Welter évoquait à notre micro l’importance d’un travail psychologique dans un groupe qui s’effondre. On peut facilement comprendre ce qui pousse une direction à réunir le staff et analyser de concert les échecs en termes de résultats. Mondercange ou Rodange ont montré que la solution était loin d’être miraculeuse ni garante de meilleurs cieux, mais pouvait enclencher un nouveau cycle. C’est sans doute ce que le Progrès Niederkorn entend amorcer en confiant les rênes de l’équipe première en interne à Sam Scholer et Vivan Reydel.
Mais on peut légitimement s’interroger sur un constat surprenant : parmi les prétendants à l’Europe, seul le Racing a conservé son entraîneur. Ni Dudelange, solide dauphin ; ni Hesperange, qui continue d’engranger les points dans la crise ; ni Strassen, en progression constante ; ni le Progrès en difficulté ne termineront la saison avec le même T1. Laissant par la même occasion au leader differdangeois la foulée d’avance dont il n’avait pas besoin.
Le football est un miroir de la société : il faut tout, tout de suite, tout le temps. Après le zapping, le scrolling. Le temps long, celui de la construction, de la confiance, est rarement pris en compte. À moins que les joueurs eux-mêmes ne soient pris dans l’engrenage mal avisé d’une logique de changement pour le changement, un groupe prend du temps à se construire, à se fédérer. Et ne devient mature qu’après avoir subi des épreuves. Kevin D’Anzico le confessait après son match international contre la Biélorussie : « C’est facile d’être fier quand tu réussis tout. Le plus dur, c’est d’échouer et de poursuivre en gardant la confiance. »
Et alors que l’on entend la plupart des acteurs de nos pelouses évoquer leur club comme une famille, on pourrait être en droit de se demander si ces discours ne sont pas qu’une façade. Sans jugement de valeurs : un club géré comme une entreprise peut tout autant viser la réussite qu’une structure familiale. Mais les résultats de nos clubs en compétitions européennes ont montré cet été qu’il y avait encore une marche à franchir pour jouer dans la même catégorie que le football professionnel de nos homologues sur le continent.
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