Ils ont floppé

15 minutes

Et voici notre sélection des plus grandes déceptions de ce premier tour de L’Euro…

La Turquie :

Certes, elle ne faisait pas partie des favoris de la compétitions. Mais cette Turquie, si impériale en qualifications portait à merveille le costume de l’outsider. Hélas, il a été prouvé encore une fois que l’habit ne fait pas le moine, et que les certitudes d’antan ne garantissent rien dans le présent. Ainsi, la troupe à Yilmaz s’est effondrée, concédant huit buts en trois match. Des statistiques difficiles à encaisser pour une équipe qui n’avait été chercher la balle au fond des filets que trois fois lors des phases de qualifications. Une défense qui a volé en éclats au pire des moments, et qui n’a absolument pas été rattrapé par une attaque tout aussi tristoune, avec… un seul but marqué en 270 minutes passées sur le terrain. Alors que le retour de Senol Gunes, héros de l’aventure du Mondial 2002 où la Turquie avait terminé troisième laissait promettre des jours historiques, l’équipe nationale s’est crashée avec violence. 3 défaites en autant de matchs : c’est bien simple, seule la Macédoine du Nord a terminé avec un bilan aussi funeste. Plus surprenant, c’est bien l’attitude des joueurs qui a particulièrement surpris. Alors que ce pays est réputé pour avoir des joueurs avec une gnaque constante, qui se battent sur tous les ballons de la première à la dernière minute, la Turquie a semblé dans cet Euro apathique pour ne pas dire léthargique. Pourtant soutenu par une forte communauté de supporters présents en Italie, la fougue du public n’a jamais réussi à enveloppé la sélection, incapable de se transcender, voire tout simplement exister.

Les joueurs avaient semblé conscients de leurs failles après cette rencontre inaugurale face à l’Italie, ou ils avaient sombré, incapables de proposer le moindre jeu et laissant derrière eux leur solidité défensive. Alors que les joueurs promettaient une réaction, assurant que cette déroute était à mettre sur le compte de l’accident, cette dernière n’est jamais venue. Une défaite face à l’Italie n’avait rien de particulièrement critiquable, tant la Squadra Azzurra enchante depuis le début de cet Euro 2020. Mais c’est bien lors des deux journées suivantes que la Turquie a sombré. Encore une fois inoffensive et absente face au Pays de Galles, adversaire pourtant bien plus abordable, la Turquie a achevé cet Euro 2020 sans réaction d’orgeuil, se laissant transpercer une dernière fois par une équipe Suisse bien heureuse de tomber sur un adversaire si loin de son niveau d’avant la compétition.

Symbole de cette déroute : Burak Yilmaz. Alors qu’on attendait énormément de choses du buteur du champion de France, l’attaquant n’a pas réussi à transpercer les filets,
mais aussi tout simplement à exister. Solidement muselé, inoffensif, son attitude défaitiste a elle aussi détonné avec une hargne et rage pourtant généralement inébranlable. A l’image de son équipe, le vétéran de trente-cinq ans n’a jamais semblé réaliser qu’il jouait là une compétition phare, dans laquelle le dépassement de soi était une condition sine qua non pour l’emporter. Un véritable gâchis.

Harry Kane

Alors que les poules se sont achevées et que l’Angleterre s’est qualifiée dans un groupe composé d’adversaires plutôt modestes, un constat se doit d’être dressé : Hurrikane ne détruit plus tout son passage. L’attaquant de la sélection anglaise, et meilleur buteur de Tottenham était particulièrement attendu dans cet Euro 2020 après une nouvelle excellente saison du côté des Spurs. Officiellement prétendant à un départ après 12 ans de bons et loyaux services du côté de Londres, le numéro 9 complet comptait particulièrement sur cette compétition internationale pour convaincre certains clubs de lâcher un gros chèque pour le recruter.

Le problème, c’est que jusqu’à maintenant, sa cote a plutôt baissé. La faute à trois rencontres sans marquer et, tout aussi inquiétant, sans réellement peser. Loin de son influence conséquente sur le jeu de Tottenham, Kane semble avoir du mal à se placer sur le terrain, sans réellement savoir s’il lui faut décrocher ou plutôt rester dans une position fixe. Ainsi, le joueur paraît parfois perdu sur le terrain, et, plus inquiétant, assez lourd. Et ce n’est pas une jolie action lors de son dernier match face à la République Tchèque – un crochet suivi d’un enroulé dévié en corner – qui améliorera un bilan jusqu’ici famélique.

Particulièrement critiqué au pays, qui semble vite vite oublier son titre de meilleur buteur lors de la dernière édition de l’Euro en France, le longiligne attaquant paie peut-être une nouvelle saison dans laquelle il a dû tout faire au sein de Spurs assez irréguliers. Et il est bon de souligner qu’il n’est pas particulièrement aidé par ses partenaires offensifs qui jusqu’à présent ont été particulièrement maladroits, et n’ont pas montré de réelle complicité sur le terrain.

Quoi qu’il en soit, avec sept points engrangés sur neuf et une qualification pour le prochain tour, les Three Lions continue l’aventure. L’occasion pour Harry Kane, pour qui Manchester City aurait récemment proposé 116 millions d’euros de prouver qu’il est bien l’un des meilleurs attaquants au monde, tant en club qu’en sélection. Godspeed.

L’UEFA

Dans ce monde mystérieux et incertain demeurent toujours quelques interrogations sans réponse. Qui de la poule ou l’œuf est arrivé en premier ? Ou sont tous les bébés pigeons ? Si les animaux pouvaient parler, quelle espèce serait la plus grossière ? Et bien entendu : mais que se passe t-il dans la tête des décideurs de l’UEFA ? Souvent critiquée pour maintes raisons, l’institution de football européen a encore sévi dès le premier week-end de la compétition. Alors que Christian Eriksen était transporté en urgences à l’hôpital, que son état demeurait incertain pour ses coéquipiers logiquement secoués par ce terrible moment, l’UEFA, elle, n’a pas dérogé à sa réputation. En imposant la reprise de la rencontre quelques heures à peine après la tragédie et que rien n’était encore certain sur la santé ou les potentielles séquelles du joueurs, les dirigeants ont à nouveau fait preuve d’une absence d’humanité choquante. En obligeant les Danois à reprendre la rencontre sous peine de perdre sur tapis vert, quel message espéraient ils envoyer ? Que le football passe avant ses acteurs ? Que les joueurs sont des robots dénués de la moindre émotion ? Déjà, en 2017, alors que le bus du Borussia Dortmund avait été visé par une bombe, laissant quelques joueurs blessés, l’instance avait obligé les membres de l’équipe allemande à disputer leur rencontre de Ligue des Champions. Peut-on réellement imaginer l’état d’esprit d’une personne quand, quelques heures après avoir été visé par une attaque à la bombe ou vu un collège s’effondrer sur la pelouse, on l’oblige à participer à une rencontre de football ? Difficile. Plus simple, l’analyse des résultats : Dortmund avait été sèchement battu par l’AS Monaco tandis que le Danemark lui, a concédé la défaite contre une modeste Finlande. De là à y voir une corrélation ? Oui, tout simplement oui. Et même une conclusion : l’UEFA, arrêtez, une fois, seulement une fois, de réfléchir par le seul prisme du pognon.

L’Espagne

Oui, il y a eu ce carton final contre la Slovaquie, qui permet de redorer un tant soit peu le bilan. Une victoire 5-0 qui s’est décantée après une boulette mémorable du gardien slovaque. Néanmoins, ce n’est pas suffisant pour oublier les deux premiers matchs calamiteux qu’a proposé l’Espagne. Offrant une parodie de football que beaucoup aiment critiquer, la Roja a redoublé de passes, de possessions stériles pour au final ne marquer qu’un seul but en deux rencontres contre des équipes objectivement inférieures. Et,
plus que jamais, le proverbe « Dominer n’est pas gagner » symbolise parfaitement les maux actuels des hommes de Luis Enrique. Si conserver la balle jusque dans les trente derniers mètres adverses est parfaitement maîtrisé, il manque des vrais capacités
de débordements dans le dernier tiers. Ainsi, la seleccion passe un énorme temps à tourner inlassablement sans trouver la moindre solution, l’équipe adverse n’ayant qu’à proposer un bloc bas et rigoureux pour annihiler les velléités offensives adverses.

Symbole de cette impuissance, Alvaro Morata n’a jamais réussi à faire parler ses qualités, ne marquant qu’un but malgré une pléthore d’occasions. Mais il serait injuste de faire de lui le seul responsable de cette léthargie, tant les nombreuses propositions offensives n’ont jamais convaincu. Un constat inquiétant alors que l’Espagne a joué toutes ses rencontres à domicile face à des équipes au standing inférieur. De manière surprenante, cette analyse du jeu de la Roja que tous semblent partager n’est pas suivi par l’entraîneur Luis Enrique, qui ne parle jusque maintenant que de manque de réussite. Si la manita face à la Slovaquie peut aller dans le sens des propos de l’entraîneur, cela serait une énorme erreur d’oublier les deux rencontres décevantes qui ont précédé.

Il faudra donc réussir à montrer un autre niveau, plus proche de cette dernière rencontre de poules lors de sa prochaine rencontre hors de ses terres, et face au vice-champion du monde qu’est la Croatie.

Les poules élargies, ou la fin des matchs couperets

Le passage du Championnat d’Europe des Nations de 16 à 24 équipes a été mis en place dans le but d’offrir plus de visibilité et opportunités aux pays plus modestes de l’Union Européenne. Une intention louable mais qui, sur le papier offre des poules bien moins passionnantes à suivre que par le passé. Un constat qui avait déjà été remarqué dans l’édition française en 2016 et qui malheureusement, sans réelle surprise se reproduit de nouveau.
La troisième journée est ainsi généralement celle des dernières chances. Des équipes obligées de l’emporter se jettent alors à l’abordage pour aller chercher un résultat indispensable pour espérer s’en sortir. C’est ainsi à ce moment que les supporters neutres se régalent à l’idée d’assister à une rencontre entre deux formations pour lesquelles ils ne vibrent pas particulièrement, mais dont l’enjeu du clash offre une excitation suffisante pour trépider. Mais cette magie disparaît lorsque ces fameux clashs couperets peuvent s’achever sur deux nations qualifiées. En enlevant cet aspect particulièrement piquant, l’Euro élargi enlève une composante clé à toute compétition réussie : la peur de l’échec. Il suffit de regarder le fameux Groupe de la Mort. Alors que Portugal, Allemagne et France se tenaient en un point à l’orée de la dernière journée, une édition « normale » de la compétition aurait offert un troisième round suffocant. Pourtant, avec des sélections quasiment toutes assurées de se qualifier, les affiches perdent inexorablement en prestige et enlèvent ce qui fait toute la saveur des tours de poules. Offrir l’opportunité à plus de nations de participer à un évènement majeur tel que l’Euro 2020 est une excellente chose.

Mais il serait sûrement intéressant de se retrouver autour d’une table et de discuter d’un système dans lequel l’excitation demeure totale. Sous peine de prioriser la quantité au détriment de la qualité, et de ne réellement intéresser les suiveurs qu’à partir des huitièmes, voire quart de finale.

Alvaro Morata

Cela nous attriste presque de mettre ce joueur dans le top. À le voir sur le terrain si malheureux, si empoté, si maladroit, loin de nous l’idée de lui remettre un coup sur la tête. Pourtant, l’attaquant de la Juventus fait indéniablement partie des énormes flops de ce premier tour de l’Euro 2020, avec des ratés frôlant le comique, et une confiance qui s’est diluée aux yeux de tous de match en match.

Luis Enrique n’aura pourtant jamais arrêté de défendre son buteur. Mettant en avant ses statistiques (objectivement respectables) de buteur régulier, le sélectionneur de l’Espagne n’a jamais abandonné Morata malgré une pression populaire grandissante. Titulaire lors de chaque rencontre, l’ancien joueur du Real et de l’Atletico Madrid n’a jamais réussi à se rassurer. Son but face à la Pologne aura été insuffisant pour glaner une victoire, et son penalty raté lors du dernier match à énorme enjeu contre la Slovaquie aurait pu coûter particulièrement cher à l’Espagne sans l’aide du gardien Dubravka par la suite.

Une image de ce match symbolise d’ailleurs parfaitement le parcours d’Alvaro Morata dans cet Euro 2020. Remplacé par son entraîneur en deuxième période, l’attaquant s’est vu réserver une standing ovation par tout le public, désireux de lui redonner du baume au coeur. Un geste touchant au moment de céder sa place à Ferran Torres. Or, quelques secondes plus tard, ce dernier, sur son tout premier ballon touché marquait un nouveau but pour l’Espagne d’une madjer absolument splendide. Un symbole, s’il en fallait un de plus, que le chemin risque d’être long et la concurrence féroce pour le buteur de la Roja. Dans ces postes offensifs, la solution pour se sortir d’un long chemin de croix est généralement simple sur le papier. Il faut marquer. L’élégant buteur sait donc
ce qu’il lui reste à faire pour se sortir de cette mauvaise passe, et devra faire parler la poudre en huitièmes de finale face à la Croatie, vice-championne du monde en titre. Sous peine de traverser une crise qui pourrait se faire ressentir bien loin après
la fin de ce Championnat d’Europe des Nations.

Benjamin Pavard (et le côté droit défensif français)

Il n’est pas rare de se souvenir de moments particuliers d’un joueur dans
une compétition. Une action, une pose, un ralenti mémorable peuvent alors se transformer en un résumé généralement incomplet des performances d’un
joueur durant le tournoi. Ce fut le cas de Benjamin Pavard en 2018 avec cette volée inoubliable en pleine lucarne contre l’Argentine. Une image qui est restée gravée dans les mémoires de tous, et qui a pris le devant sur toutes les autres facettes de jeu du latéral droit.

La même chose semble se répéter dans cet Euro 2020, à quelques différences près. La première, c’est que cette fois-ci, deux images tournent en boucle dans notre tête. Et la seconde, c’est que celles-ci sont toutes deux négatives. Face à l’Allemagne déjà, Pavard avait encaissé un choc phénoménal qui l’avait laissé totalement groggy et attiré les foudres de l’UEFA sur les Bleus, coupables de ne pas avoir remplacé le défenseur pourtant sacrément sonné. Et puis, ce match face à la Hongrie, où, toute la rencontre durant, le joueur du Bayern Munich fut constamment bousculé, à l’image de cette seconde image de lui, totalement dépassé sur une énième offensive Hongroise qui cette fois-ci, se terminait en but.

Alors, ces deux souvenirs sont-ils un résumé adéquat de ce qu’a proposé le chouchou des français ? Malheureusement pour lui, oui. Le latéral ne semble pas s’élever au dessus de la masse comme en 2018, bien au contraire. Dépassé, bousculé, et souvent en retard, Pavard n’a apporté aucune assurance à Didier Deschamps jusqu’à présent dans la compétition.

Le problème, c’est que son remplaçant Jules Kounde n’a lui aussi absolument
rien dégagé de rassurant. Emprunté et brouillon face à l’Allemagne, le jeune bizut n’a jamais semblé maître de son couloir, plus dans la réaction que l’action, et auteur d’une faute de main évitable qui a amené l’égalisation portugaise. Un véritable casse-tête pour l’entraîneur des champions du monde en titre, qui devra vite trouver une solution à ce problème, sous peine de le payer assez durement.

UEFA, bis repetita

Il fallait le faire, pour réussir à trouver sa place deux fois dans ces huit flops du premier tour de l’Euro 2020. Mais l’UEFA, fidèle à sa réputation a réussi cet exploit hors-norme. On ne peut que la féliciter pour ses couacs et polémiques constantes, et la dernière est assurément au niveau à laquelle on l’attend toujours. Alors que l’Allemagne avait décidé d’afficher son stade aux couleurs de l’arc-en-ciel pour sa rencontre face à la Hongrie, en soutien à la communauté LGBT, l’UEFA leur a interdit ce geste symbolique. L’explication derrière ce refus ? « Les gestes politiques ne sont pas autorisés » au sein de l’instance. Une justification qui laisse tout simplement pantois. Alors que de nombreux joueurs portent des brassards avec ces fameuses couleurs depuis le début de la compétition, aucune objection n’avait été levée. Mais, quand cet acte est en réponse à une nouvelle loi jugée homophobe passé par le gouvernement Hongrois, alors nous rentrons dans la case politique. Mais où se situe donc la différence ? Et qu’en est-il de l’autorisation pour les joueurs de poser un genou au terre, en guide de protestation du racisme systémique à travers le
monde ?

N’est-ce pas là encore, un geste politique ? Il serait peut-être temps d’accepter une fois pour toute que lorsque l’on en vient au football, sport le plus populaire au monde, la dissociation avec la politique est tout simplement impossible. Des messages vont être passés, à travers des banderoles, célébrations ou gestes symboliques. Alors que l’on critique régulièrement les footballeurs pour leur manque de prise de position, et leur déconnection avec le monde réel, quel message est donc envoyé par cette interdiction ? Vivement critiquée par ce veto, l’UEFA a tenté de rétropédaler en se déclarant en faveur de la communauté LGBT, mais qu’elle ne pouvait pas accepter cet éclairage de stade car il était en réponse directe à une loi Hongroise. Au même titre que les genoux à terre étaient une réponse directe à des dérives policières aux Etats-Unis, répondons-nous. Plus qu’un positionnement, il est ici seulement question de demander une seule chose à l’instance dirigeante football européenne : un brin de cohérence.

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