Ils l’ont connu comme joueur, entraîneur ou même dans la cellule familiale. Quand Jeff Strasser est vu par ceux qui l’ont côtoyé au quotidien, le masque tombe. Et tous, Thomas Gilgemann, Laurent Jans ou encore Christian Strasser, entre autres, s’accordent à dresser le même constat : Jeff est capable de tout pour ceux qui lui sont chers.
Son président le décrit comme « un meneur d’hommes, quelqu’un à 100% sans demi-mesure », son frère comme « dur, discipliné et exigeant », ses anciens joueurs comme un coach « professionnel, rigoureux ». Et le président de Mondorf de 4 ans son aîné de résumer tous les discours à son sujet : « il demande beaucoup à tout le monde, mais en même temps il donne tout de son côté. Et il protège ses joueurs à tout moment. Son principe, je pense, est que si quelqu’un doit leur mettre un coup de pied au cul : c’est lui et personne d’autre ! »
Reconnu par tous pour ses qualités tactiques, Jeff Strasser est également loué pour son haut niveau de précision : « dans la préparation des matchs, l’analyse vidéo, tout, il est dans le souci du détail » salue Thomas Gilgemann. Christian Strasser dépeint quant à lui un homme « droit, intègre, rigoureux, et surtout fiable à 100% ». Une vertu qui peut devenir parfois un défaut : « le fait d’avoir trop de rigueur et de discipline, trop de volonté d’être perfectionniste, ça vous pousse à des extrêmes ». Et pourrait expliquer que le grand public, ou même ses proches lorsqu’il est leur adversaire, retiennent avant tout son tempérament. Son propre frère l’admet : « il n’est peut-être pas apprécié par tout le monde mais tout le monde le respecte, dans ce qu’il a fait ou ce qu’il fait. S’il porte vos couleurs, vous l’aimez encore plus, mais s’il est votre adversaire, c’est plus compliqué. Croyez-moi, quand on joue contre eux, ce n’est pas le grand amour ! On préfère s’éviter à chaque fois parce que sinon on se rentre dedans… » Ce que son président appelle « la zone rouge » pour celui qui occupe le poste d’entraîneur du Progrès pour la troisième saison et qu’il compare volontiers à « Diego Simeone, en moins folklorique ». En situation de concentration intense, il peut être amené à faire oublier sa principale qualité, établie en postulat par tous ceux qui ont été interrogés : son humanité.
Christian Strasser se souvient : « Quand il était en internat à Robert Schuman, il a voulu se lâcher un peu. Un lundi soir, j’étais en train de bosser dans ma résidence étudiante à Nancy pour préparer les examens et on sonne à la porte : c’était Jeff, avec Rigobert Song ou Robert Pirès, je ne sais plus, mais ils étaient trois ou quatre à avoir fait le mur ! Il m’a expliqué qu’ils voulaient sortir mais qu’à Metz on les connaissait, et ils m’ont demandé les endroits où sortir… Même des gars qui ont eu une carrière impressionnante comme eux avaient besoin de relâcher la pression. »
À tel point que partout où il est passé, il demeure très apprécié de ses joueurs. Pour preuve, l’ensemble du vestiaire de Niederkorn à l’occasion de ses 50 ans lui a offert de très beaux cadeaux, dont une montre luxueuse et un maillot de Barcelone floqué « Jeffinho », ce qui témoigne selon Yannick Bastos, sous ses ordres la saison passée et désormais directeur sportif, de « sa gestion humaine incomparable : il est aimé ». Laurent Jans se souvient du temps du Fola : « Il était encore jeune entraîneur et dans sa tête encore un peu joueur : il venait s’entraîner avec nous et prenait du plaisir à le faire. Il voulait qu’on ne le voit pas comme coach sur le terrain mais comme joueur. Donc il était vraiment proche de nous, il faisait presque partie de l’équipe, en tout cas au début de cette très belle période : deux titres de champions, matchs de qualification en Champions League et Europa League. J’ai vécu des belles choses avec mon coach ! Je me souviens qu’il disait « si vous devez me mettre un tacle, faites-le car moi je n’hésiterai pas ! » C’est quelqu’un d’un côté très strict, qui accorde une grande importance au comportement, mais qui n’hésitait pas à venir boire un verre avec nous après les matchs. »
Comment expliquer ce niveau d’exigence presque inaccessible, qu’il applique aux autres comme à lui-même ? Christian Strasser nous apporte un éclairage intéressant : « Beaucoup de joueurs avaient plus de talent que Jeff, beaucoup d’entre eux étaient plus doués que Jeff, mais il a tout mis en oeuvre pour arriver à faire cette carrière. D’autres avaient plus de cartes que lui au départ. Lui, il a mis le football au premier plan et tout le reste derrière. » Son bac en poche (sa maman insistait !), il n’a plus mis les pieds à l’université dès qu’il a eu l’opportunité d’intégrer les entraînements d’aspirant pro à Metz. Priorité au foot. « Et quand vous mettez tout derrière, tandis que les autres vont faire la fête et vivre l’expérience de la jeunesse, et que vous, vous travaillez en salle, sur le terrain, à la récupération pour être en forme le lendemain, ça forge votre caractère. Sans ça, il ne serait jamais devenu le professionnel qu’il a été, et cette image l’accompagne toujours. C’est pour ça que que les gens voient de lui quelqu’un de très rigoureux et discipliné, parfois de très « chiant »… Parce qu’on dirait qu’il joue sa vie à chaque match. » L’incarnation du « je veux donc je peux » à force de travail, d’abnégation. Et de sacrifices. Laurent Jans se souvient qu’« il voulait tout le temps gagner : les matchs, les entraînements et même les jeux ! Sa longue carrière au niveau professionnel lui a fait côtoyer beaucoup de coachs desquels il a appris énormément, y compris cette gagne. »
Son grand frère quant à lui « le respecte surtout pour les sacrifices qu’il a consentis. Ça n’est vraiment pas tombé du ciel. Toute la famille a fait le taxi pour l’emmener jusqu’à Metz aux entraînements, mais les grands sacrifices, ce ne sont pas nous qui les avons faits : c’est lui. C’est lui qui a pris tous les risques. J’ai énormément de respect pour ce qu’il a accompli : ça m’a toujours impressionné. »
Nicolas Schockmel, responsable de la délégation des Rout Léiwen, nous confie lui aussi au milieu du restaurant d’un hôtel hongrois que Jeff Strasser a bien l’étoffe d’un coach « susceptible de prendre un jour la tête de la sélection ». Et d’ajouter : « mais avec son caractère et ses méthodes de travail, ce sera compliqué… Je le connais, je connaissais son père, et Christian ; dans la famille c’est le plus dur avec lequel composer. Ou alors, il faudrait quelqu’un pour le tempérer. » Un frein à sa carrière ? Peut-être, lorsqu’on sait qu’à la question « Quelle question auriez-vous aimé que je vous pose ? », Christian Strasser assène : « Pourquoi Jeff Strasser n’est jamais devenu l’entraîneur de Mondorf… »
Mais ce serait faire un indigne raccourci en occultant la principale vérité sur l’entraîneur du Progrès : non content d’être un acharné du travail, et un homme fiable et apprécié, c’est un passionné, prêt à tout dans ses fonctions car il aime le foot. Le football le rend heureux. Or, son aîné l’assure : « Ce n’est jamais à travers le regard des autres qu’on devient heureux. S’il fait ce qu’il aime et continue de tout donner pour que ce soit une réussite, je serai fier de lui. »
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