Le samedi 17 décembre, quelques heures après son entraînement à Strassen, la terrible nouvelle tombe : Jenny Warling souffre de nouveau (après l’été 2018) d’une rupture des ligaments croisés du genou. Dans les jours qui suivent, elle passe sur le billard, sa saison est mise entre parenthèses, pour ne pas dire sacrément compromise. Mais c’est mal connaître la championne que de penser qu’elle va en rester là et « profiter » de ce malheureux événement pour prendre des vacances… « Immédiatement, je me suis fixé l’objectif des Jeux européens. J’espérais que ce serait possible, même s’il fallait que l’opération se passe bien, déjà. Ensuite, j’ai tout donné pour y arriver. J’ai été hyper motivée durant ma rééducation avec cette perspective devant moi », se rappelle la karatéka luxembourgeoise.
Éloge de la patience et de la répétition
Le parcours du combattant débute. Et toute une équipe se met en place autour de la championne pour rendre possible l’impossible ou, du moins, le très difficile. Famille, entraîneurs, proches, le LIHPS, ils sont nombreux à intégrer la mission commando pour construire le retour express de leur protégée. Progressivement, le programme se met en place et les journées se suivent et se ressemblent : rééducation, travail musculaire, puis reprise de contact avec le tatami, et la répétition à l’infini des mêmes exercices, des mêmes mouvements, encore et encore, inlassablement. Lorsqu’on lui demande ce qui a été le plus difficile pour elle pendant cette période, Jenny Warling répond du tac au tac : « La patience ! Je voulais tout, tout de suite. Heureusement qu’il y a eu des gens autour de moi pour me freiner et me faire respecter les différentes étapes. » Elle est déterminée, morte de faim, enchaîne les heures de labeur, dans la douleur et la sueur. Pendant un moment, elle n’est pourtant même pas sûre d’être qualifiée pour ces Jeux européens, manquant pas mal de compétitions qui lui auraient permis d’accumuler de précieux points. Puis le premier signe du miracle arrive : la Luxembourgeoise fait bien partie des huit karatékas sélectionnées pour ces Jeux européens de Cracovie. Cela ne fait que démultiplier sa motivation.
Cette journée du 22 juin arrive enfin. Après avoir fignolé les derniers détails de sa préparation avec son coach Raphael Veras et sa fidèle sparring-partner Pola Giorgetti, Jenny Warling pénètre sur le tatami de Bielsko-Biala, à une centaine de kilomètres de Cracovie. Le premier combat apparaît alors comme un véritable test et déterminera le reste du tournoi. Mais avant toute chose, la Luxembourgeoise savoure d’être là, d’avoir d’ores et déjà réussi son pari de revenir à temps. « Le but était surtout de retrouver le plaisir », déclare-t-elle. Sa première adversaire s’avance, la Polonaise Maria Kerner. Et c’est comme si elle n’avait jamais stoppé la compétition… Victoire sans appel, 5-2. Jenny is back. Dès le deuxième combat, ce qui semblait n’être encore qu’un espoir, une hypothèse, se confirme : la guerrière du Grand-Duché est déjà revenue au niveau des meilleurs. Elle tient en respect la championne olympique bulgare, Ivet Goranova, et fait match nul (0-0). Dans son dernier combat de poule, enfin, la tension est à son comble face à l’Azérie Madina Sadigova, et l’issue longtemps incertaine. Mais à 16 petites secondes du gong, Jenny Warling balance le coup gagnant et s’impose 3-2 ! Tout le camp luxembourgeois exulte et vient la congratuler dès la fin du combat. Il est difficile de saisir ce que la karatéka vient de réaliser : elle est qualifiée pour les demi-finales et s’assure, quoi qu’il arrive, de repartir avec une médaille de bronze (cette dernière étant distribuée à la 3e et la 4e du tournoi).
Une demi-finale au sommet contre la numéro un mondiale
Déjà heureuse d’être arrivée jusque-là, Jenny Warling en veut plus : « Je me suis tout de suite dit que j’allais tout faire pour attraper la finale. » Mais une montagne se dresse face à elle : la numéro un mondiale ukrainienne, Anzhelica Terluiga, qu’elle connaît par cœur. Le combat est hyper serré, aucune des deux filles ne se livre. « Je pense quand même qu’elle avait pris un petit avantage du côté des juges à un moment », confie Jenny. Souhaitant à tout prix éviter les regrets, la Luxembourgeoise se rapproche, se convainc qu’il faut tenter quelque chose. « J’ai trop réduit la distance avec elle, trop vite, et face à une combattante de ce niveau, cela ne pardonne pas. » Terliuga, à quelques secondes de la fin, déclenche un coup au ventre et inscrit deux points, c’est plié.
Mais Jenny Warling a déjà tant gagné. Elle monte sur le podium de ces Jeux européens en Pologne, une médaille autour du cou, et la performance est immense quand on regarde dans le rétro pour constater les sacrifices et les efforts par lesquels il a fallu passer pour en arriver là. Le plus dingue, c’est que la karatéka luxembourgeoise n’en est pas à son premier retour improbable et ultrarapide : l’été 2018, elle se blesse déjà gravement aux ligaments du genou… Six mois plus tard, elle décroche le titre de championne d’Europe dans sa catégorie des – 55 kg. Chez de nombreux sportifs, les graves blessures freinent souvent une carrière, voire y mettent un terme. Chez Jenny Warling, athlète décidément hors du commun, les terribles pépins physiques font naître une irrépressible envie de gagner un nouveau challenge et d’accrocher des médailles supplémentaires dans sa collection déjà bien garnie. Face au destin et aux aléas du sport de haut niveau, Jenny semble bel et bien éternelle.
François Pradayrol
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