Un projet de loi déjà passé en commission prévoit de réserver le statut de journalistes professionnels aux médias d’actualités politiques et générales. Mental! alerte sur les dangers pour tous d’une telle législation.
SOS ! Nous ne serons bientôt plus des journalistes, au même titre que tous nos confrères de la presse spécialisée : sport et culture ne sont plus considérés comme des informations importantes et citoyennes dans un projet de loi à l’étude à la Chambre !
Le Luxembourg est connu à l’échelle européenne pour figurer parmi les nations les moins pluralistes en ce qui concerne le paysage médiatique. Un rapport du Conseil de l’Europe a même pointé du doigt l’hégémonie des grands groupes de presse en attribuant au Grand-Duché la note de 96/100 sur l’échelle des risques liés au pluralisme des médias. Il recommande de « revoir le financement du paysage médiatique et prendre également en considération les médias spécialisés qui jouent un rôle important pour la société (tels que les médias culturels et sportifs). »
Pourtant, avec le projet de loi 8421 déposé à la Chambre des Députés cet été, le gouvernement veut aller encore plus loin. Sous couvert de l’amélioration du droit d’accès à l’information et d’une loi belge de 1963, la ministre déléguée aux médias et à la communication entend limiter le statut de journaliste professionnel aux seuls employés de « médias d’actualités politiques et générales ». Exit donc les médias dits spécialisés, exemples à l’appui : « sport, culture, mode » sont exclus des attributions de la carte de presse.
Deux conséquences et non des moindres. Tout d’abord un traitement inégalitaire des médias. Nos confrères exclusivement dédiés au service sport des médias généralistes sont exempts de cette exception et continueront d’officier avec une carte de presse. Pour notre part, nous ne serons plus assujettis au Code de déontologie, si ce n’est sous le principe d’une conformité « volontaire » aux règles éthiques.
Pour notre média, cette carence de journalistes professionnels est synonyme d’exclusion des conditions d’accès à l’Aide à la presse comme aux autres subsides prévus pour le pluralisme. Pour nous journalistes, plus de couverture par les droits qui régissent la presse, en matière de confidentialité des sources notamment, mais plus d’obligation non plus de nous conformer aux devoirs de vérité ou encore d’indépendance de nos confrères. Au mieux un engagement fondé sur notre unique bonne foi. Pour vous lecteurs donc, plus de garantie d’une information fiable et objective, ni d’une analyse journalistique neutre, ni d’un droit de réponse…
D’après Ricardo Gutiérrez, secrétaire général de la Fédération européenne des Journalistes, ce projet de loi « en l’état semble discriminant. Très peu de pays européens se sont sentis la nécessité de définir le statut de journaliste professionnel, justement pour éviter toute forme de resserrement. Il y avait bien d’autres choses à faire au Luxembourg pour améliorer la liberté de la presse plutôt que de redéfinir ce statut. Si le Luxembourg veut s’inspirer de ce qui se fait en Belgique, il doit prendre tout le package qui prévoit de n’exclure personne, pas juste une partie. »
En interrogeant le Conseil de presse, sur le point de rendre son avis sur ce projet de loi auquel il a participé, et en pleine révision du Code de déontologie, tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes. Seul point rassurant, alors qu’aucun de la trentaine de journalistes présents lorsque nous avons posé la question n’était au courant du projet, la réaction de nos confrères des médias généralistes a semblé unanime pour condamner une telle loi.
Il est de notre devoir de journalistes professionnels (pour le moment encore) d’alerter sur les dérives de cette future loi, qui signerait à court terme la mort des médias spécialisés au moment même où le Conseil de l’Europe voudrait voir toutes les nations s’accorder sur le caractère sacré de la presse.
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