Article issu de notre magazine Dribble! #34
Avant d’entamer un sujet pour le moins complexe, nous nous devions de donner la parole à plusieurs acteurs du monde du football. Médias, instances ou clubs, nous avons recueilli des avis bien différents. Dans cette optique, difficile de savoir qui a tort et qui a raison. Les arguments de chacun se tiennent, mais des problèmes persistent. Présentation des entités et médias qui existent, ou pas, à l’heure actuelle.
Le streaming s’est offert une place de rêve
En septembre 2020, RTL annonçait officiellement le lancement d’une nouvelle plateforme : RTL Live Arena. Une aubaine pour les fans de BGL Ligue qui, lors des incessants changements de loi covid dont on ne comprenait ni les tenants ni les aboutissants, ne pouvaient pas se permettre de se déplacer au stade, mais restaient tranquillement chez eux pour suivre leur équipe favorite.
À ce sujet, nous avons rencontré Pascal Casel, Platform Business & Diversification Director et Tom Flammang, Head of sports, dans les locaux de RTL au début du mois de février pour comprendre les intentions du média en proposant une plateforme telle que Live Arena. « Notre décision de diffuser le football, le basketball, le handball et le volleyball entrait dans un concept de promotion du sport au Luxembourg. La technologie est venue à notre rencontre avec cette nouvelle façon de pouvoir filmer les matchs et les retransmettre sur une plateforme », nous confie Pascal Casel. Un besoin et surtout une demande de la part « des téléspectateurs, des sports et de tout l’écosystème du sport luxembourgeois ». Résultat : soixante caméras étaient installées dans tout le Luxembourg au début de l’année 2021, dont la moitié sur des terrains de football. Des appareils et une intelligence artificielle provenant d’un fournisseur allemand qui retransmet automatiquement les rencontres en suivant le ballon. Après des retards d’installation en partie dus au Covid-19 (la mise en application était d’abord prévue pour le début de saison 2020/2021), la plateforme et les retransmissions ont vu le jour en mars 2021 après plusieurs tests a priori concluants, même si RTL regrettait ne pas avoir eu « le temps nécessaire, car tout le monde voulait démarrer au plus vite ». Peu importe, selon le média, les retours étaient « énormes. On a été agréablement surpris parce qu’on ne savait pas si la mayonnaise allait prendre, mais c’est très suivi », et ce malgré une intelligence artificielle et une qualité d’image parfois discutables.
Car finalement, il importe peu que la caméra ne suive pas certains buts, comme le bijou du milieu de terrain inscrit par Aurélien Joachim face au Fola Esch, le 22 août dernier par exemple, car « le but est avant tout de promouvoir le championnat ». Et effectivement, à ce niveau-là, c’est réussi. Le derby de la 38e journée entre la Jeunesse et le Fola, qui comptait pour le titre de ces derniers, aurait vraisemblablement attiré jusqu’à 13 000 téléspectateurs (un chiffre à prendre avec des pincettes) selon les dires du directeur sportif du champion en titre, Pascal Welter. Surtout qu’en parallèle, RTL diffuse son émission « RTL Goal », chaque début de semaine. D’une durée de quinze à vingt minutes, celle-ci met l’accent sur trois rencontres phares, pour lesquelles elle diffuse un résumé complet suivi de réactions de la part des joueurs et des entraîneurs. Les images, d’une qualité bien meilleure que le streaming, proviennent des caméramans de RTL venus pour l’occasion aux matchs, et n’incluent jamais celles de Live Arena.
Toujours est-il qu’en 2022, le Luxembourg reste l’un des seuls pays en Europe à ne pas avoir réellement de droits télévisés, c’est-à-dire qu’aucun club ne retire d’argent directement de la part du diffuseur. Une question de retour sur investissement, selon le média. « Le marché du sport au Luxembourg a ses limites. S’il y avait tellement d’argent à prendre sur le marché luxembourgeois, les clubs l’auraient déjà fait depuis longtemps », explique Pascal Casel, avant d’ajouter « on ne peut comparer à aucun voisin, à part peut-être Andorre ou le Liechtenstein ! C’est très compliqué. Le jour où le championnat se vendra, où il y aura des annonceurs intéressés, où une société de production pourra en retirer un bénéfice, on pourra en discuter. Si on doit investir des centaines de milliers d’euros, il faut avoir un retour sur investissement ». De notre point de vue, ces arguments se tiennent, et il serait impensable de nier que l’objectif même d’une société a toujours été, et sera toujours de gagner, de faire du bénéfice, ou tout du moins d’éviter les pertes. On voit alors mal comment un business plan pourrait effectivement tenir la route. On doute fortement du potentiel d’un abonnement proposé aux Luxembourgeois pour suivre le football. Les affluences dans les stades du Grand-Duché diminuent décennie après décennie et il est difficile de croire que ceux qui ne se déplacent jamais ou peu au stade pourraient souscrire à un quelconque abonnement pour un contenu limité. Reste alors l’argument, plus ou moins recevable, avancé par RTL, qui offre la possibilité aux clubs d’afficher plusieurs sponsors et qui pourraient donc dépenser plus. Mais en l’absence de transparence sur les chiffres et dans une économie actuelle somme toute compliquée, surtout au niveau du sport, on a aussi des doutes sur la répercussion d’une telle offre.
Quoi qu’il en soit, il est évident que la diffusion de la quasi-intégralité des matchs de BGL Ligue et de Promotion d’Honneur a changé beaucoup de choses dans le paysage footballistique luxembourgeois. Car outre la possibilité pour les passionnés de suivre n’importe quel match comme bon leur semble, et ce gratuitement, elle permet également une autre chose essentielle pour le développement des clubs : accéder plus facilement aux plateformes de scouting. Pour des clubs luxembourgeois qui poussent de plus en plus leurs jeunes joueurs à se lancer dans le monde professionnel, c’est presque une aubaine. Reste à trancher sur le sujet toujours épineux d’une contrepartie financière versée par RTL aux clubs pour la diffusion de leur image. On ne connaîtra peut-être jamais les tenants et aboutissants des discussions ou des contrats entre la LFL, la FLF et RTL, mais force est de constater qu’aujourd’hui, tous ne sont pas sur la même longueur d’onde.
Dans le futur, en plus de certaines améliorations mineures sur la plateforme Live Arena et la qualité de ses streamings, RTL pourrait bien inclure… des commentaires. Tom Flammang nous a en effet confié que « sur des matchs choisis au préalable, nous pourrions peut-être inclure des commentaires, avec des sujets d’avant-matchs aussi, par exemple ».
La presse écrite historique perd du terrain
Du côté de la presse écrite, pas de doute : le football et la BGL Ligue sont de moins en moins couverts. On pensera naturellement au Luxemburger Wort, qui, lors de son âge d’or, pouvait compter jusqu’à près de 10 correspondants en BGL Ligue ! Aujourd’hui, la couverture du championnat national a largement diminué, et ce phénomène n’est pas singulier. Car pour le Tageblatt, c’est sensiblement la même chose : la part réservée au football luxembourgeois diminue saison après saison. Le constat est sans appel, et même si la couverture réalisée par Le Quotidien, notamment, est plus que convenable, les journalistes chargés de suivre la DN se désolent de voir leurs papiers s’estomper en matière d’espace dans leurs journaux. Et si la BGL Ligue en a pris un sacré coup, la Promotion d’Honneur n’apparaît quasiment plus dans ces médias, si ce n’est via un encadré çà ou là.
Reste alors le bimensuel DRIBBLE!, dont la mission n’est autre que de mettre en valeur le football luxembourgeois, que ce soit à travers la sélection, les championnats masculins et féminins ou encore les joueurs expatriés dans les championnats étrangers. Chauvins ou pas, nous étions presque forcés de nous autociter. Car à ce jour, MENTAL!, et par conséquent DRIBBLE!, sont les seuls médias 100 % sport au Grand-Duché à proposer un format papier et digital aux passionnés de sport.
La radio coupe ses antennes
C’est un phénomène inévitable depuis désormais plusieurs années. Avec l’émergence des applications de streaming musical, les émissions traditionnelles de radio attirent de moins en moins le public, notamment la cible jeune. Un constat valable quel que soit le pays. Les matchs en live se font de plus en plus rares, les émissions de sport également, et le Luxembourg n’échappe naturellement pas à la règle, car il n’en existe aujourd’hui quasiment plus une seule. Et à l’heure où de nouvelles modes se développent avec notamment les podcasts, ici, c’est toujours le désert. En France et ailleurs, on ne compte plus ceux dédiés au sport qui émergent depuis plusieurs années. « L’After Foot » a décliné son émission de radio (toujours existante) en podcast, mais on peut aussi citer Vu du Banc, Prolongation ou encore Formation FC.
En fin de compte, si l’on prend le point de vue du suiveur de la BGL Ligue, on ne peut que se réjouir du streaming proposé par RTL et sa plateforme Live Arena. La qualité et la diversité des images ne sont pas forcément au rendez-vous, mais elles permettent au moins de suivre n’importe quelle rencontre du championnat, chose encore impossible il y a un an et demi, même si les clubs commençaient doucement à retransmettre eux-mêmes des live streaming. Reste alors en suspens un sujet qui revient beaucoup auprès des acteurs : les droits liés à la diffusion des images. Au-delà de ça, on ne pourra que déplorer la baisse significative de l’espace dédié au football luxembourgeois au sein des médias traditionnels.
Le football féminin, ça ne sera pas pour tout de suite
Questionnés à propos d’une installation des caméras dans les stades du championnat féminin et d’une éventuelle diffusion sur la plateforme Live Arena, RTL a indiqué que ce projet n’était pas d’actualité, pour cause d’« investissement trop lourd. On préfère d’abord gommer les quelques soucis que nous avons pour avoir un produit qui tient la route, plutôt que de multiplier les caméras pour très peu de spectateurs ». Karine Reuter, présidente du Racing Union, dont l’équipe féminine fait partie des cadors, regrette de manière générale que les médias « ne parlent pas du tout de football féminin, ce qui est triste ». Là encore, la faute n’est en aucun cas à rejeter sur un quelconque média et de notre point de vue, tant la Fédération luxembourgeoise de Football que les clubs eux-mêmes doivent démontrer leurs progrès avant d’espérer un gain de visibilité. Trop de problèmes desservent encore la progression du football féminin luxembourgeois dans sa globalité.
Julien Sins
Mental Médias SARL
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