La voix est assurée et trahit à peine une appréhension légitime de s’exprimer en français. À 15 ans, Charlotte Schmit parle pourtant la langue de Voltaire comme elle distille les bonnes passes sur le terrain. Avec une aisance qui l’installe dans la peau de la plus belle promesse de l’histoire du football féminin au pays. Ce n’est pas elle qui le revendique, ni sa maman bien trop modeste. « On verra dans un an si des portes s’ouvrent », dit Simone. « C’est bien d’assouvir sa passion mais il faut procéder étape par étape. »
La première fut celle de la découverte d’un sport qui l’a contaminée dès l’âge de 4 ans. « J’allais voir mon frère», se souvient-elle. Lui, c’est Léon, de quatre ans son aîné, biberonné à l’US Hostert et qui trace sa route depuis deux ou trois saisons en équipe première au poste de latéral gauche. « Moi j’ai commencé à cette place à droite, mais ça ne me convenait pas trop.» Ça limitait en fait le rayonnement d’une gamine que ses entraîneurs ont tôt fait de replacer dans le cœur du jeu. « Je la vois en 8 », précise le sélectionneur de l’équipe féminine Dan Santos. « Elle a la vision, la technique et une prise d’information rapide», poursuit René Peters, entraîneur des U14 à la FLF.
C’est entre ces deux pôles que le cœur de Charlotte bat. Le lundi et le mardi à Beggen avec les dames, le mercredi et le jeudi à Mondercange avec les garçons. « Je suis habituée car j’ai toujours joué avec eux à Hostert», raconte Charlotte, bienveillante à l’égard de Pol Hansen, le premier entraîneur qui l’a cocoonée au Gréngewald. « Moi je suis content de l’avoir avec mes U14 car elle élève automatiquement le niveau», poursuit René Peters. « Et elle travaille son physique au contact des garçons. »
Quinze ans, c’est l’âge choisi par Charlotte et son entourage pour opérer un premier choix de carrière. Celui de rejoindre l’Entente Wormeldange-Munsbach-Grevenmacher en Ligue 1 féminine. « C’est le bon moment pour se mêler aux adultes», dit Dan Santos. « Elle peut jouer en Ligue 1 mais pas encore en sélection A où il faut avoir 16 ans. Ceci dit, je suis en train de demander une dérogation. » Un premier match amical a mis en lumière les qualités de la teenager. Trois passes décisives pour une victoire facile face à Diekirch.
L’idée, c’est de rester une saison et demie dans cette Entente avant d’envisager le grand saut. « C’est la bonne trajectoire. Comme celle de Leandro Barreiro », poursuit le sélectionneur. « Les deux références sont bien sûr l’Allemagne (Hoffenheim, Wolfsbourg, Cologne, Fribourg) et la France (Lyon). Des matches amicaux ces prochains mois devraient permettre à Charlotte de se mettre en vitrine même si sa réputation a déjà franchi les frontières. Elle n’aura que l’embarras du choix. »
« Moi, je suis fan de Lyon », explique Charlotte, dingue de Lionel Messi et du Barça et qui cherchera « une équipe avec une bonne ambiance où elle sera bien accueillie ».Il faudra toutefois montrer les crocs dans un monde de requins où les cadeaux sont rares. Des écueils, Charlotte Schmit en a déjà surmontés plusieurs dont un très important en avril 2019. « C’était un match amical de scolaires alors que j’étais encore minime. On m’a taclée par derrière. Mon pied s’est retrouvé à côté de ma jambe. Double fracture tibia-péroné! » La jeune fille se garde de donner des détails que d’aucuns ont relevés. Charlotte était en train de faire la misère aux garçons lorsque l’un d’eux, excédé, a cédé à la pulsion du geste assassin. Une première opération en urgence au CHL puis deux autres pour des complications ont pourri la vie de la jeune fille pendant des mois. Elles lui ont aussi forgé un caractère en acier trempé. « Oui, je suis plus forte qu’avant », reconnaît-elle, pas rancunière envers le joueur frustré et consciente que ruminer le passé ne la fera pas avancer. Elle qui dit encore qu’elle doit « conserver l’envie et la motivation» a tout pour plaire. Y compris un entourage avec les deux pieds sur terre. Et une sœur, Marie, boxeuse, qui lui donnera la gnaque en cas de coup dur.
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