Sinani, le facteur X
Pour comparer le F91 de la saison dernière et celui de cette saison, il serait impensable de ne pas mentionner en premier lieu un numéro dix qui a changé beaucoup de choses. Car depuis son arrivée dans le club de la Forge du Sud, Dejvid Sinani cartonne. Huit buts et douze passes décisives, c’est son bilan (astronomique) en douze rencontres disputées, dans la totale continuité de sa saison passée, où il avait marqué quinze fois et délivré douze passes décisives, le tout en vingt-deux petits matchs. On imagine d’ailleurs que Sébastien Grandjean aurait aimé l’avoir au moins une saison de plus au sein du secteur offensif de son Fola. Mais en fin de contrat du côté du club Eschois, le milieu offensif serbo-luxembourgeois avait besoin de relever un nouveau challenge. Désormais, Carlos Fangueiro lui donne les pleins pouvoirs en tant que meneur de jeu de son équipe et il le lui rend bien. Car plus que des chiffres et des statistiques, c’est tout un système de jeu qui est maintenant tourné vers lui. Que ce soit les milieux défensifs ou les avant-centres, tous s’appuient sur lui pour combiner et progresser sur le terrain. Mais résumer le F91 de cette saison au seul Dejvid Sinani serait dénigrer les principes de jeu de Carlos Fangueiro et de ses hommes, si reconnaissables et pourtant différents à bien des égards des prestations de la saison dernière.
Une équipe plus équilibrée que la saison passée
Car le F91 de la saison dernière s’en remettait quasiment tout le temps à ses pistons, Kevin Van Den Kerkhof du côté droit et Mehdi Kirch du côté gauche. Leurs statistiques parlent d’ailleurs d’elles-mêmes puisque les deux étaient impliqués au total dans plus de 30% des buts sur le total de 70 réalisations du club lors de la saison 2020/2021. Désormais, l’équilibre de l’équipe est plus cohérent et ça se ressent. Le F91 ne privilégie plus forcément toujours les côtés et la présence de Sinani permet au secteur offensif d’avoir plus d’options que la saison dernière pour alterner les différentes phases d’attaque. Mario Pokar, son prédécesseur au poste de milieu offensif, avait une qualité technique similaire mais ses pépins physiques à répétition ne permettait pas à Carlos Fangueiro de l’installer en tant que métronome d’une équipe dont l’intensité constante était de mise. De plus, face à Strassen, Carlos Fangueiro et son staff n’ont pas hésité à changer de système en cours de jeu, passant de leur 3-5-2 habituel à un 4-4-2 en losange. Un changement qui n’a pas porté ses fruits sur le résultat mais qui souligne une évolution dans le pragmatisme du coach et la manière d’aborder le match, dont le système de prédilection composé de trois défenseurs centraux et de deux pistons est l’un des plus efficaces de BGL Ligue.
Des combinaisons toujours aussi efficaces
Autre composante à mettre en faveur de Dudelange : les phases arrêtées. Nombreuses sont les combinaisons tentées qui, la saison dernière, ont abouti à des buts parfois sensationnels, à l’image de la lucarne de Mehdi Kirch face au Swift, en septembre 2020, ou la reprise de volée de trente mètres de Kevin Van Den Kerkhof face à Hostert quelques semaines après. La particularité de ces combinaisons réussies, c’est qu’elles viennent souvent des corners. Quand la plupart des équipes n’utilisent que le corner joué à deux (qui n’aboutit que très rarement, soyons honnête) ou le centre dans le tas, le F91, lui, opte parfois pour ce qu’on pourrait presque qualifier de longues transversales jusqu’aux abords de la surface. Là, les tireurs font le reste. On pourrait logiquement se dire que les équipes adverses commencent à connaître la chanson, mais face à Strassen le week-end dernier, c’est la barre transversale qui sauvait Ozcan et les siens sur une demie-volée de Van Den Kerkhof, dont la passe qui précédait venait tout droit d’un… corner. Les coup-francs ne sont pas non plus en reste mais les équipes adverses sont généralement plus attentives et se font moins avoir par des combinaisons inattendues.
Attention cependant à ne pas se faire parfois avoir par son propre jeu
Dudelange a tout d’un prétendant au titre, c’est indéniable, mais les concurrents leurs collent aux basques. Que ce soit le Racing, Strassen ou les équipes qui suivent le peloton de tête, tous tentent de contrer la tactique des Dudelangeois et parfois, ça passe. Contre Strassen justement, les leaders ont montré deux visages bien distincts. Le premier étant celui d’un rouleau compresseur, mettant une telle pression sur leurs adversaire qu’ils avaient toutes les peines du monde à sortir de leur camp. Le deuxième se caractérisant en seconde période par une sorte de relâchement, d’une insuffisance dans l’agressivité face à une équipe qui paraissait vouloir plus que d’un simple match nul. On le sait, le championnat est long et disputé, et les équipes qui affrontent Dudelange savent désormais à quoi s’attendre. Quoi qu’il en soit, si l’euphorie du début de saison 2020/2021 lors de laquelle le F91 surprenait tout le monde est désormais passé, les dudelangeois ont trouvé de quoi se renouveler et se montrent toujours aussi redoutables.
Le technicien portugais du F91 Dudelange s’est livré à Dribble sur la saison actuelle de son club, sur les différences tactiques par rapport à la saison dernière et sur les objectifs à quelques semaines d’une longue trêve hivernale.
Comment jugez-vous le match nul concédé face à Strassen ?
Il y a eu deux scénarios différents : en première mi-temps, on a maîtrisé le jeu, on a eu la possession du ballon, Strassen jouait bas et cherchait à ne laisser aucun espace entre les lignes. On a réussi à avoir plusieurs opportunités dangereuse où on aurait pu marquer plusieurs fois. Mais dix minutes avant la mi-temps, a commencé à baisser en qualité dans notre jeu et dans l’agressivité dans nos duels. En deuxième période, c’était un scénario complètement différent avec un match bien plus ouvert. Strassen a commencé à presser un peu plus haut et il y a eu plus d’espaces des deux côtés. On a eu beaucoup de déchet technique, défensivement on était mal placés et on a commis certaines erreurs. Donc je pense que le match nul est globalement mérité.
Pour en venir sur la saison dans sa globalité, qu’est ce qui a changé par rapport à la saison dernière ?
On n’a pas beaucoup changé ! Au niveau du cadre, on a gardé pratiquement tous nos joueurs phares. On a fait entrer quatre, cinq joueurs, ce qui n’est pas énorme d’une saison à l’autre. Les objectifs sont les mêmes étant donné qu’on veut jouer l’Europe, c’est le minimum à viser, que ce soit pour nous ou pour les supporters. Si on la possibilité de gagner le championnat, ce serait évidemment la cerise sur le gâteau mais notre objectif principal, c’est l’Europe.
Ce n’est donc pas clairement le titre de champion qui est dans votre tête ?
On n’est pas encore à la moitié du chemin. On est bien, on fait un superbe championnat jusqu’à présent mais il faut aussi se rappeler qu’il reste encore beaucoup de journées et que c’est un championnat qui sera difficile jusqu’au bout, donc il faut garder les pieds sur terre. Nous ne sommes pas l’équipe qui a le plus investi dans le cadre, on l’a même réduit un peu ! Quoi qu’il en soit, on vise les trois premières places.
Justement en parlant du cadre, vous avez gardé quasiment la même ossature de titulaires que la saison dernière, et on a tout de même l’impression que vous avez réussi à vous renouveler, alors que le risque aurait pu être de voir un système ne plus fonctionner…
Oui et ce n’est pas facile ! C’est un énorme investissement, c’est beaucoup de temps et de discussions avec les joueurs pour qu’ils soient constamment motivés. Être exigeant à chaque séance d’entraînement, se faire des réflexions du type « est-ce qu’on est sur le bon chemin », voir ce qu’on peut changer pour s’améliorer… Parfois, je sors de mon bureau, au centre d’entrainement, à deux heures du matin, donc c’est énormément de temps et d’investissement, car on laisse parfois un peu la famille de côté. On veut réussir, on veut faire quelque chose, et ce groupe que j’ai mériterait qu’on soit champions ensemble. On bosse pour cela en sachant que ce sera très difficile.
Est-ce que Sinani était le joueur qu’il vous manquait pour atteindre un palier supplémentaire, notamment dans le secteur offensif ?
Oui, c’est clair. Dejvid, on connaît ses compétences, c’est un joueur qui cherche constamment les espaces entre les lignes, qui a une qualité de dernière passe formidable, probablement la meilleure du championnat, et il n’a pas besoin de beaucoup d’opportunités pour marquer. Donc c’est un joueur qui nous apporte énormément de qualité et il s’intègre parfaitement dans l’équipe.
Vous parliez de maitrise du jeu. Par rapport à la saison dernière où vous vous appuyiez énormément sur les côtés avec des pistons ultra importants, on a l’impression que cette saison, ça s’est beaucoup plus équilibré. Les pistons ont toujours leur importance, mais tout ne passe pas seulement par eux et l’arrivée de Sinani à rééquilibré l’équipe et notamment au niveau offensif…
Oui c’est vrai. La saison passée, on avait fait un énorme boulot sur les côtés avec Mehdi (Kirch, ndlr) et Kevin (Van Den Kerkhof, ndlr) et les adversaires commençaient à les connaitre. Aujourd’hui, il sont toujours aussi utiles et les défenses adversaires continuent parfois de se faire surprendre puisqu’ils distillent toujours beaucoup de centres et continuent d’être décisifs. Même s’ils le sont un peu moins que la saison passée, ils sont toujours aussi importants. Mais aujourd’hui, on a une équipe plus équilibrée notamment depuis l’arrivée de Dejvid Sinani dans la zone axiale. On a de plus en plus de solutions, on peut adopter des styles différents et je trouve qu’on est plus forts que la saison passée.
Qu’est ce qu’il faudra faire pour ne pas perdre des points ici et là, par exemple après la trêve hivernale de quasiment deux mois et peut-être face à des équipes plus modestes ?
On a déjà planifié les prochains mois, avec environ cinq semaines de préparation, ce qui me semble suffisant. L’idéal, ce serait six semaines mais le calendrier ne le permet pas, parce que les joueurs ont besoin de quelques jours pour décompresser, ne plus réfléchir au football, faire un break. C’est important pour le mental de pouvoir effacer, entre guillemets, le football de sa tête, et c’est ce qu’on va essayer de faire pour mieux repartir ensuite.
Ensuite, l’hiver arrive et les terrains vont être en mauvais état, on en a l’habitude. Pour une équipe comme nous qui avons habituellement la maîtrise du ballon et plus de possession que l’adversaire, ce sera plus compliqué de proposer notre football. Mais on le sait bien, ça dure depuis longtemps ! Il faudra continuer à être sérieux et exigeant comme on l’est depuis le début, croire aux objectifs du club. Mais je connais mon groupe et je n’ai aucun doute qu’on va se donner au maximum jusqu’à la fin.
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