Qualifiée pour ses premiers Jeux olympiques, Sarah De Nutte nous raconte son parcours pour arriver à Tokyo, ses doutes, mais aussi l’amour de son sport, le tennis de table.
Sarah, qu’avez-vous ressenti au moment où vous avez vu votre nom s’afficher parmi ceux qui participeront aux JO ?
En fait, quand j’ai vu mon nom, à ce moment-là je savais déjà que je serais qualifiée pour les JO. Je le savais depuis six semaines et la fin du tournoi de qualification au Portugal. On pouvait déjà calculer les places en fonction du ranking mondial. Du coup, après le tournoi, je le savais déjà, il fallait juste attendre six semaines et le ranking de juin, qui est venu confirmer cela, et c’était officiel.
C’était donc une demi-surprise ! Vous avez pu fêter cela tout de même ?
Oui, avec mes copines, mes trois meilleures amies, on a fêté cela après le TQO. Elles m’ont fait une surprise.
Cette qualification, c’est la concrétisation de beaucoup de travail, mais également de sacrifices. Est-ce qu’à un moment on se dit « finalement, je n’y arriverai pas » ? Est-ce qu’il y a eu des moments de doute ?
Oui, je pense qu’il y a toujours des moments de doute, mais cette fois-ci ils étaient assez rares. La dernière fois, je ne me suis pas qualifiée pour les JO de Rio, et j’étais en position de troisième remplaçante. Je n’y ai peut-être pas assez cru à ce moment-là. Mais pour cette fois-ci, à partir du début je me suis dit « la prochaine fois, ce sera la bonne, et je pourrai me qualifier ». Mais c’était dur, pendant quatre ans il a fallu grimper dans le ranking mondial, et rester à la place où je suis actuellement. Je dis quatre ans, mais avec la pandémie c’était plutôt cinq en fait ! C’était long, avec cette phase de Covid et une pause très longue sans pouvoir jouer de tournoi, et sans possibilité d’améliorer son classement. J’étais vraiment à la limite. Comme la Corée du Nord ne participe pas aux JO, j’ai pu gagner des places aussi.
Finalement, ce report d’un an des JO vous a été profitable ?
En fait, cela n’a pas changé grand-chose. Parce que les deux tournois très importants se déroulaient en mars 2020, et à ce moment-là, j’avais gagné deux places dans le ranking. Pendant un an, rien n’a changé, tout a été « gelé ». On a peut-être pensé qu’ils allaient donner les places seulement en fonction des quotas de chaque continent, mais ils ont quand même organisé les qualifications.
Qui plus est, le Japon est un pays que vous semblez apprécier ?
Oui, je suis déjà allée au Japon deux fois, et j’ai vraiment adoré y aller, notamment pour la « bouffe » (rires), surtout que les sushis sont mon plat préféré. Je suis fan aussi de Nintendo, Pokémon, etc., donc le Japon, c’est parfait. En plus, c’est un pays qui s’intéresse beaucoup au ping-pong. Et même s’il n’y aura pas de spectateurs étrangers, je pense qu’il y aura beaucoup de Japonais pour venir assister aux compétitions de ping.
Concernant le voyage vers le Japon, vous savez comment cela va s’organiser au niveau de la quarantaine et d’éventuelles restrictions ?
Normalement, nous partons pour Tokyo le 16 juillet, et on arrive là-bas le 17. Je n’en sais pas plus pour la quarantaine, mais je suppose qu’il faudra faire des tests avant… Mais j’ai été vaccinée en tout cas.
Concernant le porte-drapeau luxembourgeois à la cérémonie d’ouverture, sait-on qui occupera ce rôle ?
Je ne sais pas quand ce sera décidé, mais pour moi ce serait un rêve de porter le drapeau. On verra…
Au niveau du tennis de table, cela fait donc deux tenniswomen luxembourgeoises qualifiées, et ça aussi c’est une belle satisfaction ! Dommage qu’il n’y ait plus de doubles au programme des JO…
Oui, ils ont changé, maintenant il y a un tournoi par équipes, mais pas en double. C’est dommage, car en double, Ni Xia Lian et moi on aurait eu de très bonnes chances d’aller loin.
Aller aux JO, c’est évidemment un moment d’émerveillement, mais une fois sur place, l’instinct de compétition va prendre le dessus sur tout le reste ?
Oui, je pense. Gagner au moins un match aux JO ce serait cool, je ne veux pas y aller et perdre tout de suite.
Tout autour des compétitions, il y a également cette atmosphère olympique, croiser des stars d’autres disciplines dans le village par exemple, cela aussi c’est excitant ?
Oui, je pense que cela peut être super cool d’aller au village olympique et de croiser Serena Williams qui passe à côté de toi ou qui mange à la même table que toi.
Parmi les autres qualifiés pour le Luxembourg, il y a des gens avec qui vous avez des affinités ?
Raphaël Stacchiotti était dans ma classe au lycée, je connais Bob Bertemes, Ni Xia Lian aussi, bien sûr. Il y a Charel Grethen qui a encore des chances de se qualifier et que je connais très bien. Et aussi Christine Majerus, qui était dans la même chambre que moi lors de l’instruction de base à l’armée.
Quel est votre programme d’ici à Tokyo ?
J’ai encore les championnats d’Europe la semaine prochaine. Je pars en Pologne, et là je vais faire le simple, le double avec Ni Xia Lian, et le double mixte avec Eric Glod. Ce sera la dernière compétition avant les Jeux olympiques. Mais j’ai du mal à me dire que je vais disputer des championnats d’Europe, comme les JO débutent dans quelques semaines ! C’est un grand tournoi, mais c’est un peu bizarre comme sentiment. En septembre, il y aura les championnats d’Europe par équipes. Cela fait beaucoup de gros tournois les uns après les autres, avant les championnats du monde en novembre ! C’est plein de grands tournois.
Bob, au fur et à mesure que se rapproche l’échéance, est-ce que l’impatience de disputer vos premiers Jeux olympiques commence à pointer le bout de son nez ?
Ça approche, mais je ne ressens pas encore de pression à vrai dire. Mais le problème se situe plutôt autour de la préparation, car on ne sait pas ce qu’on pourra faire une fois là-bas, si on pourra s’entraîner, faire ceci ou cela… Je sais que Heinz (Thews, ndlr) va partir là-bas plus tôt pour se renseigner et savoir si on a accès à des salles de musculation, par exemple. En fonction de tout cela, on va voir à quelle date on part.
Vous allez partir tous ensemble ?
Avant que le Covid ne fasse son apparition, l’idée était d’aller faire un stage tous ensemble à Fuji. Comme ça, on aurait passé une semaine ensemble, comme les nageurs sont engagés en début de JO, et nous, en athlétisme, à la fin. C’est pratique aussi au niveau des kinés, qui ont du temps pour s’adapter à chacun. Mais j’ai appris que, finalement, les stages là-bas sont interdits, pour éviter que tout le monde aille à droite et à gauche. On peut faire un stage hors du Japon, mais pour nous, ce n’est pas trop intéressant parce que c’est plus stressant qu’autre chose. L’autre option, c’est d’aller très tôt au village olympique, mais j’ai parlé avec Raphaël (Stacchiotti, ndlr) et le village olympique est tellement grand que le simple fait d’aller manger ça peut prendre deux ou trois heures ! C’est pas vraiment la peine d’y aller trop tôt donc…
En attendant, vous disputez ce week-end à Chypre la Coupe d’Europe d’athlétisme.
Oui, et pour aller à Chypre, c’est vraiment compliqué en raison du Covid (rires). J’attends encore le résultat de mon test PCR. À notre arrivée à l’aéroport, il faudra refaire un test PCR, et ensuite, on nous mettra à l’hôtel avec interdiction de sortir jusqu’à l’obtention du résultat…
Vous avez été vacciné ?
Oui, j’ai été vacciné. Mais même vaccinés, les organisateurs nous demandent des tests PCR.
Revenons un peu en arrière, pourquoi avez-vous choisi le lancer du poids et pas une autre des disciplines du lancer ?
Quand j’avais 13 ou 14 ans, j’ai testé tous les lancers, sauf le marteau. Javelot, disque, poids… Les trois m’intéressaient, mais je progressais bien au poids, alors j’ai préféré cela. Quand on lance plus loin, on a forcément plus d’intérêt. Je suis resté au poids ensuite. Le marteau, j’avais essayé une fois en interclubs, mais je suis plutôt lancer du disque, comme il y a aussi des rotations. D’un côté, c’est sympa de regarder les meilleurs lanceurs, mais au niveau de la taille, pour le javelot et le disque, je suis trop petit.
À quel âge avez-vous commencé le poids ?
Peut-être à l’âge de 10 ans, à l’occasion du challenge Tageblatt. Mais je n’ai pas lancé loin (rires).
Il y a d’autres sportifs dans votre famille ?
Mes deux parents jouaient au handball, mon frère et ma sœur faisaient de l’athlétisme. Mon frère a cinq ans de plus que moi, et quand j’étais petit, j’ai suivi ses traces en faisant de l’athlé.
Sur une semaine, que représente le volume d’entraînement d’un lanceur de poids ?
L’hiver, c’est la période la plus dure pour nous, car il y a une grosse charge de travail niveau musculation et on lance beaucoup, deux fois par jour. Le lundi matin, je fais mes lancers, environ 30 essais ; ensuite, on fait de la medicine ball ou du franchissement de haies, des petits sprints… Puis l’après-midi, c’est reparti avec les lancers, avec une vingtaine d’essais environ. Et enfin c’est muscu, avec deux exercices principaux, et je fais toujours des squats entre ces exercices. Le but n’est pas de devenir fort, fort, fort, mais faire des petits sauts, cela aide aussi pour garder de l’explosivité. Ça prend toujours du temps.
Le lancer de poids n’est donc pas qu’une affaire de force…
En fait, on travaille pour avoir des muscles forts, mais aussi de l’élasticité, bien explosifs. On a juste un petit cercle pour faire accélérer le poids à une vitesse maximale, c’est pour cela qu’il faut être rapide. Être très vite et très fort, c’est très technique.
Jusqu’ici, vous avez plutôt été épargné par les blessures importantes ?
À chaque fois, c’était des trucs un peu « con ». En faisant des sauts à l’entraînement, je suis parfois tombé en arrière sur le dos, je m’étais fait une petite déchirure à l’épaule. Une fois, j’ai eu aussi une petite déchirure aux ischios, mais jamais rien de cassé. Des accidents un peu maladroits (rires). Mais tant mieux, car si on se fait vraiment mal, c’est énormément difficile de retrouver le même niveau.
Avant de démarrer un concours, vous avez un rituel ? Ou la superstition, ce n’est pas votre truc ?
Quand j’étais plus jeune, oui. Les jours de compétition, c’était énormément de stress, même pour ma mère. Je me levais le matin, je devais toujours manger la même chose, porter le même pantalon, etc. Maintenant, je vois les choses différemment en prenant de l’âge, j’ai envie de faire de bonnes compétitions, de prendre du plaisir, de lancer loin et de faire de bons résultats. Je suis plutôt relax avant la compétition. C’est mieux comme ça, y compris pour ma mère (rires).
Qu’est-ce qui vous motive, jour après jour, dans la pratique de votre sport ?
C’est une bonne question ! Mais je pense que c’est l’envie d’accomplir quelque chose, c’est très profond en moi. Parfois, je me pose la même question en hiver, quand je vais à l’entraînement (rires). Ce n’est pas toujours facile et je me dis : « Mais pourquoi tu fais tout ce bazar ? », ou « Pourquoi t’as pas fait attention à l’école ? », mais ça passe très vite. Ça me donne toujours envie, même après des années. Aujourd’hui, il fait beau, il fait chaud, je vais aller lancer et je me dis que ça va être cool. On peut rigoler à droite, à gauche, et aussi lancer loin.
Atteindre les Jeux olympiques, c’est déjà un très bel accomplissement dans la carrière d’un sportif, mais le rêve ultime, ce serait d’atteindre la finale du lancer du poids ?
Bien sûr. Pour moi, c’est les premiers Jeux olympiques, et c’est un bon challenge de tenter de rejoindre la finale. Je n’ai jamais réussi à le faire lors des championnats du monde, et réussir à le faire aux JO ce serait hyper cool. Je ne peux pas dire que ce sera facile d’y arriver, ce sera beaucoup de stress. Passer les qualifications, c’est vraiment le but.
À quelle distance se jouera cette place en finale, selon vous ?
Je dirais environ 22 mètres ou au début des 23 mètres. Il y a tellement de niveau et de bons athlètes partout. Avant, c’était souvent les Américains, mais maintenant, en Europe, il y a beaucoup de monde qui lance très, très loin. D’un côté c’est hyper intéressant, mais parfois c’est très chiant, car je me dis que je devrais changer de discipline (rires). Mais, à mon avis, cela va être très serré pour rejoindre la finale. Aujourd’hui, chaque pays a un lanceur qui lance plus loin que 21 mètres, avant c’était plus rare. C’est un niveau très élevé. Partout en athlétisme, les disciplines évoluent rapidement, c’est incroyable.
Fer de lance de l’équitation au Grand-Duché de Luxembourg, Nicolas Wagner Ehlinger est le premier cavalier luxembourgeois à se qualifier pour des Jeux olympiques. Il fera cavalier seul à Tokyo, du 24 juillet au 7 août 2021, aux rênes d’un cheval qu’il a lui-même formé et emmené au plus haut niveau. Une épopée d’un garçon au petit trot, à l’aube d’écrire l’histoire du sport équestre de l’une des plus petites fédérations, plus que jamais paré pour fouler le sol japonais.
WAGNER, VIRTUOSE DU DRESSAGE
C’est l’histoire d’un jeune homme qui s’apprête à vivre un rêve olympique, à l’aube de ses 30 ans. Une figure des sports équestres au Luxembourg, aussi concentré à cheval que discret dans la vie.
Nicolas Wagner Ehlinger est le premier cavalier à avoir validé son ticket pour porter les couleurs du Luxembourg aux prochaines olympiades.
Une sélection loin d’être anodine pour celui qui sort de quatre années rythmées par des classements et marquées par des notes toujours plus hautes. Un parcours impeccable, avec une qualification à la clé dans son groupe B, qu’il a dominé.
À la question « Comment jugez-vous votre sélection ? », il répond par une pirouette, figure incontournable de sa discipline : « C’est difficile comme question. Si je suis là, c’est que je fais partie des meilleurs. » Simplement.
Et qui de mieux que sa maman, la première à l’avoir mis en selle, pour évoquer son cavalier de fils ? « Il est très discipliné. On doit avoir une certaine intelligence pour faire du dressage. Par exemple, quand il participe à un concours, toute la nuit, il prépare déjà ce qu’il a à faire le lendemain. C’est aussi un entraînement mental, à toujours voir ce qu’on peut améliorer, ce qu’on doit changer, ça peut être des détails minuscules, ce n’est pas facile du tout. »
Encadré – repères en quatre dates clés
2017 – L’ascension : Le jeune Luxembourgeois prend ses marques avec son cheval Quater Back Junior FRH sur le circuit international. Son protégé apprend le métier et participe, en Hollande, à une épreuve réservée aux chevaux de 7 ans.
2018 – La confirmation : Nicolas Wagner Ehlinger démontre qu’il a eu raison d’y croire et confirme les attentes placées en l’alezan. Le couple signe une victoire pour son premier Grand Prix au CDI 3* de Mariakalnok le 4 mai, avant de réitérer deux jours plus tard lors du Grand Prix Spécial. Le couple est lancé.
2019 – La déception : Les deux prodiges participent aux Championnats d’Europe de dressage de Rotterdam, du 19 au 25 août. Le cheval prend peur en voyant une caméra et se mord la langue. Il est d’office éliminé en raison de la présence de sang, rédhibitoire.
Fin 2019 – La qualification : La mésaventure de Rotterdam n’est plus qu’un lointain souvenir, le tandem signe une victoire remarquable et remarquée au CDI 4* de Lierre (Belgique) et obtient le précieux sésame : un ticket pour les Jeux olympiques de Tokyo 2021.
UNE AFFAIRE DE FAMILLE – SPORT INDIVIDUEL, TRAVAIL D’ÉQUIPE
Nicolas Wagner Ehlinger voit le jour le 2 janvier 1992, dans une famille pour qui le cheval est le dénominateur commun. « Ma mère m’a mis sur un petit poney à 3 ans, et on peut dire que j’ai fait ça toute ma vie, sourit Nicolas, dont le grand-père était président du Stud-book du cheval de selle luxembourgeois (SCSL). Mon père aime les chevaux, et ma mère, également passionnée, a une écurie depuis 2001 dans laquelle je travaille. »
« Nous sommes très unis. Nous n’habitons pas loin les uns des autres et l’écurie est au milieu. Il a deux frères et une sœur, cette dernière monte aussi en Grand Prix », complète sa maman, Martine Ehlinger. « Je suis parti en Allemagne pour faire mes études et je suis rentré il y a trois ans. Maintenant, on fait tout ensemble ici », ajoute Nicolas.
« Ici », c’est la Société hippique et d’élevage à Elvange, repaire du jeune cavalier, à la fois centre d’entraînement et pépinière de jeunes talents « On élève des chevaux, on achète des poulains. On les fait grandir, on les prépare pour leur future approbation. Nicolas a un œil fantastique. Il voit tout, il voit l’épaule, il voit l’élasticité. Il y a de nombreuses personnes qui lui téléphonent, qui envoient des vidéos de leur jument pour lui demander des conseils sur les croisements. Il décide souvent pour les autres. Il vit pour ça. »
Très tôt, Nicolas opte pour cette discipline olympique souvent assimilée à de l’art et axée sur la recherche de l’esthétique et du mouvement. « On a toujours été une écurie de dressage. J’ai testé une seule fois le saut d’obstacles car mon frère en faisait, j’ai monté son poney, mais ça s’arrête là. »
Au quotidien, il répète ses gammes avec Petra Büttner, qui le suit depuis de nombreuses années : « Elle est là presque tous les jours, elle m’accompagne depuis que j’ai 15 ans et sur les concours internationaux. Il y a aussi Ton de Ridder qui vient de temps en temps. »
Ses modèles se nomment Carl Hester, cavalier de dressage britannique médaillé d’or aux Jeux de Londres, pour qui « tout paraît facile sur un carré de dressage », ou encore Charlotte Dujardin, qui règne sans partage sur la planète dressage depuis de nombreuses années.
À l’image de ses aînés, le Luxembourgeois se plaît à s’inspirer des meilleurs cavaliers de la planète et n’hésite jamais à regarder ce qui se fait de mieux, quelle que soit la discipline.
«Il y a beaucoup de monde qui m’inspire. Je pense qu’on doit toujours prendre le meilleur chez les autres. Quand je suis sur les grands concours internationaux, je regarde tout, même les cavaliers d’obstacles, cela m’intéresse beaucoup. »
Bande organisée
Si le dressage est un sport individuel, pour Nicolas, il est avant tout une affaire d’équipe, socle solide auquel le cavalier est fortement attaché. Et hors de question d’imaginer une partition solo.
Chef d’orchestre au sein d’une organisation millimétrée, le cavalier sait adapter ses journées : « Je travaille énormément, du lundi au samedi. On est aussi un business ici. J’ai des clients qui ont des chevaux chez moi pour que je les entraîne. Je monte mes chevaux et ceux des propriétaires.
«Dans mon équipe, j’ai une fille qui travaille avec moi et m’épaule avec les chevaux. On se répartit le travail. Elle gère son piquet, des jeunes comme des plus vieux. Elle les monte à la maison et participe aussi à quelques concours. Tout comme moi. Nous avons également trois autres personnes qui s’occupent des soins et du manège, ainsi que deux palefreniers.»
UNE DISCIPLINE EN PLEINE ÉVOLUTION
Le dressage, discipline olympique depuis 1902, offre un spectacle de plus en plus complet, laissant la part belle à l’expression des cavaliers. Il présente des couples auxquels les médias s’attachent et qui tissent une relation particulière avec le public.
« Le dressage a beaucoup évolué. Le niveau était déjà très élevé, mais je dirais qu’il y a une trentaine d’années, les chevaux n’avaient pas tellement les mêmes mouvements qu’aujourd’hui. Je regarde plus les chevaux avec de très bons mouvements que ceux dotés de grands mouvements, explique Nicolas, féru d’élevage. Je m’attarde aussi sur le tempérament, l’énergie et la façon dont le cheval travaille et coopère avec le cavalier. »
« Si le cheval a beaucoup d’énergie et s’en sert bien, on peut faire quelque chose. En revanche, avec un cheval qui bouge super bien mais qui est mou et n’a pas cette énergie, il sera plus compliqué d’envisager le futur, de le motiver à travailler avec son cavalier. »
Mariés au premier regard
Le binôme de Nicolas se nomme Quater Back Junior FRH et a de qui tenir. Fils de l’illustre Quaterback, le hongre alezan de 12 ans est en passe de dépasser son père, étalon allemand très remarqué, mais également étalon reproducteur hors pair et disparu trop tôt, en juin.
Un cheval compliqué qui deviendra son cheval de tête
«Je l’ai depuis qu’il a 5 ans. Je l’ai vu dans les écuries où j’ai fait mes études, chez mon entraîneur Klaus Balkenhol. Il était ici depuis une semaine, tout petit et tout maigre. Je me souviens d’un cheval un peu difficile, qui avait du caractère. Il avait beaucoup d’énergie, faisait pas mal de bêtises quand il était jeune. J’ai réussi à canaliser cela et c’est devenu un super cheval», commence le Luxembourgeois, non content d’avoir déjoué les pronostics.
« J’ai un bon œil pour détecter les chevaux »
« J’ai d’autres chevaux qui arrivent. Ils sont prometteurs. On ne le voit qu’avec le temps. Quand on regarde des poulains de 6 mois ou de 2 ans, on sait en général à 3 ans qu’on a un très bon cheval, et à 6 ans, on sent quelle direction on peut prendre. C’est un long chemin. » Une patience qui l’a emmené à ce niveau.
« Quand il est rentré il y a trois ans, il a commencé à acheter des poulains ; ils ont grandi, ils vont être débourrés. Il va les monter et leur apprendre. Quelques-uns seront vendus avant car on ne peut pas tous les garder. Ce qui est important, c’est qu’ils aient un bon galop et un bon pas.»
Il poursuit : « Il voulait me vendre un autre cheval. J’ai refusé car j’étais focalisé sur celui-là dès le début. Je pense avoir un bon œil pour détecter les chevaux. » Un atout pour cette discipline jugée minutieuse et pointilleuse. « J’ai tout appris à ce cheval, je l’ai construit. Il ne savait rien du tout. J’ai eu besoin de trois ans pour l’emmener en concours dans le calme, sans qu’il fasse de bêtises. Il réagissait comme s’il ne voulait pas y aller.»
« C’est une crème, c’est un cheval extrêmement gentil, qui veut bien faire, qui est marié avec Nicolas. Pour faire des performances comme eux deux le font, il faut vivre comme dans un mariage. Il faut se connaître, il faut sentir tous les petits nerfs, tous les petits muscles. »
« Nicolas a formé quelques chevaux jusqu’au niveau Grand Prix, mais Quater Back Junior FRH est, je pense, le meilleur »
Des souvenirs avec son cheval, il en a plein. Des bons points, des bonnes notes, et surtout quelques victoires.
Son meilleur souvenir d’une grande compétition, sa maman l’évoque avec émotion : « Quand on était à Lierre, c’était vraiment spectaculaire parce que j’étais avec lui. Souvent, je ne suis pas présente. » Ce week-end-là, d’ailleurs, le dresseur a obtenu l’un des meilleurs résultats de sa carrière dans le Grand Prix Spécial avec une note de 75.553. « Il a souvent gagné Grand Prix et Grand Prix Spécial dans le même week-end. »
Les olympiades sont le terrain de jeu favori des athlètes accomplis. « On savait que j’étais assez bon pour réussir, alors on a travaillé pour valider cet objectif. Et à la fin de l’année, à la période du Nouvel An, je savais que j’étais sélectionné », ajoute Nicolas. Une qualification validée en prenant les quatre meilleurs résultats de la saison 2019, à chaque fois sur des épreuves différentes.
Une répétition limitée mais pas tronquée
Wagner, à l’image du célèbre musicien, sait composer. Ses programmes, d’abord, qu’il adapte en fonction des échéances sportives et son calendrier sportif, crise sanitaire oblige.
« Mes entraînements n’ont pas été impactés malgré les restrictions sanitaires. Je suis à l’écurie tous les jours. Mon planning d’entraînement varie. Je me lève à 5h45, je suis à 6h à l’écurie et je commence alors à m’entraîner car il fait chaud. Je varie les exercices de gymnastique, cela dépend du feeling que j’ai avec mes chevaux. Si je dois aller sur un concours, je fais un peu plus. Mais je privilégie la santé de mes montures avant tout. Je les marche à la main, je ne les mets jamais au marcheur, c’est trop dangereux. »
Le coronavirus n’est jamais parvenu à perturber ses plans. Après trois mois et demi, Nicolas Wagner se remet directement en selle et participe à son premier concours international.
UN CONCOURS CINQ ÉTOILES AUX ALLURES DE RÉPÉTITION GÉNÉRALE
Pour la première échéance internationale de l’année, le Luxembourgeois s’est envolé pour Doha. L’occasion de fouler la piste des prestigieuses installations Al Shaqab, complexe sportif niché dans le petit État arabe, à 50 kilomètres de la capitale, pour un CDI 5*. L’occasion aussi de goûter à nouveau au premier long transport de l’année pour Quater Back Junior FRH : « Ce n’est pas un problème pour les chevaux de voyager, précise Nicolas. C’est presque plus ‘agréable’ que de rouler pendant des heures pour se rendre sur un concours en Europe. »
Étape incontournable hivernale, le petit émirat péninsulaire donnait rendez-vous aux meilleurs cavaliers du monde, synonyme de grand sport. Une concurrence idéale et un galop d’essai grandeur nature pour prendre la mesure. De l’échéance japonaise, mais aussi des couples concurrents. Pas assez pour effrayer le jeune Luxembourgeois, très à l’aise face aux ténors de la discipline, souvent déjà rodés à l’exercice olympique.
Résultat, une cinquième place dans le Grand Prix sur 18 couples engagés. Derrière lui, une certaine Allemande, Helen Langehanenberg, médaillée d’argent aux Jeux olympiques de Londres.
Le lendemain, il récidive et remporte le Grand Prix Spécial avec une note de 74.128 devant un jury pointu et reconnu. Les réglages sont trouvés. « On peut dire que le cheval est prêt. »
Un soutien royal
Le Grand-Duc héritier lui a rendu visite l’an passé, le 2 juin 2020, curieux d’assister à la préparation de l’athlète et de son cheval. « Il est venu, a regardé comment je montais. Il a visité notre écurie, où j’étais installé, et j’ai pu échanger un peu avec lui. Il était très content. Il m’a souhaité bonne chance pour les Jeux olympiques. »
À UNE FOULÉE DE L’HISTOIRE
La route qui mène à Tokyo commence par une période de quarantaine à Aix-la-Chapelle. «Nous sommes trois à faire le voyage au Japon car avec les exigences sanitaires, le nombre de personnes est limité et des précautions sont prises en raison du coronavirus. Là, je ne semble pas nerveux, mais je jour d’avant, je suis très concentré. Je n’aime pas être dans un contexte de stress. Je me mets dans ma bulle, tout doucement, je commence à réfléchir un peu, à me poser.»
Sur place, il retrouvera ses mentors, ceux qui ont renforcé un peu plus sa passion, ceux qui ont joué un rôle dans l’évolution de son équitation. Certains ont déjà participé à plusieurs olympiades, d’autres ont simplement inspiré le jeune Nicolas.
Mais en 2021, tous se mesureront en piste et partageront l’affiche, les anciens comme les plus contemporains.
Première étape, séduire les juges, dès le 24 juillet, à l’Equestrian Park. Le couple Wagner/Quater Back Junior FRH tentera de placer le Luxembourg sur le lieu le plus emblématique de la planète sport. De quoi nourrir de grandes ambitions pour l’une des plus petites nations au Japon.
Jeff, avec cette qualification arrachée à moins d’un moins des JO, vous êtes la preuve qu’il faut y croire jusqu’au bout!
Je pense que oui (rires).
Expliquez nous comment cette place vous est revenue, et de quelle manière vous avez accueilli la nouvelle de votre qualification?
En fait je le savais car un collègue à moi travaille pour World Archery (ndlr: la fédération internationale de tir à l’arc), et il m’a dit « dès que je sais quelque chose je te préviens », et samedi dernier vers 14h, il m’a envoyé un message pour me dire que le Fidji renonçait à sa place pour les JO. Donc je n’avais plus besoin d’attendre les résultats de l’archer tchadien, j’étais devenu le premier pour avoir la place en raison de mon ranking mondial. J’étais super content car sur beaucoup de compétitions j’ai raté de pas loin la qualification. Je n’étais pas confiant à 100%, j’avais toujours un petit doute mais depuis que cela a été officialisé hier je commence à réaliser.
Ce seront vos troisièmes JO, mais cette fois ils seront complètement différents des précédents avec cette crise sanitaire?
Oui sûrement, ce ne sera pas pareil que les autres. J’ai déjà commencer à regarder ce que l’on peut faire ou pas sur place, mais oui c’est clair que cela va être super strict, on sera enfermé, on ne pourra pas sortir beaucoup voir pas du tout, mis à part pour les compétitions. À Londres j’étais resté jusque’à la fin, j’avais été voir les nageurs luxembourgeois, voir plein d’autres choses… Et là une fois les compétitions terminées il faudra repartir, ce ne seront pas les mêmes sensations. Mais cela reste des Jeux!
En 2004 à Athènes pour vos premiers JO vous n’aviez même pas 20 ans, vous en avez désormais 36, c’est une fierté d’avoir su maintenir ce niveau d’exigence tout au long de ces années, ponctuées par une autre participation aux JO de Londres?
C’est peut-être parce que je fais une pause de huit ans entre chaque édition (rires). Ça me donne du temps pour un repos de quatre ans. Non je plaisante. En fait, déjà à Londres je pensais que ce serait mes derniers Jeux olympiques. Parce que avant je travaillais à mi-temps, et ensuite je travaillais à plein temps. Et je pensais que ce ne serait pas possible pour moi de conserver le même niveau lors de compétitions internationales, surtout avec beaucoup moins d’entraînements. Mais j’ai continué et finalement cela a fonctionné.
C’est difficile de concilier vie professionnelle et carrière de sportif?
Oui c’est plus difficile. Même au tir à l’arc car maintenant la plupart des archers sont des professionnels. Moi je travaille huit heures par jour comme la majorité des gens, et ensuite j’ai du temps pour le tir à l’arc. C’est plus compliqué c’est sûr, je perds beaucoup de temps sur mes entraînements en raison du travail.
En période olympique on parle beaucoup plus de sports d’habitude moins médiatisés, est-ce que votre qualification peut créer un engouement autour du tir à l’arc, et attirer plus de jeunes dans les clubs peut-être?
Je pense que oui. Je ne sais pas concernant les autres clubs, mais à Strassen depuis la pandémie on a énormément de demandes afin de commencer le tir à l’arc, et on a une longue liste d’attente!
En tir à l’arc est-ce que l’âge est finalement un facteur moins important que dans d’autres sports?
Oui, mais de moins en moins! Quand j’étais jeune il y avait pas mal d’archers qui dépassaient la quarantaine, mais c’est la jeunesse qui prend les devants maintenant. Je ne serai pas le plus vieux à Tokyo mais dans le top 10 des plus âgés surement.
Cela traduit une certaine évolution dans la discipline, plus de professionnalisation que naguère?
Sûrement! C’est beaucoup plus professionnel qu’il y a vingt ans par exemple. Ce qui a énormément changé, c’est l’encadrement aussi autour des jeunes. Beaucoup d’entraîneurs actuels étaient athlètes en même temps que moi à l’époque.
Quel va être votre programme d’ici Tokyo?
Déjà il y a quelques sollicitations médiatiques. Il faut que je récupère mes affaires auprès du comité olympique. A partir de lundi prochain je pourrai m’entraîner un peu plus, et je pars le 15 juillet. Cela ne me donne pas beaucoup de temps, mais je vais me préparer du mieux possible.
Avec quelles ambitions vous rendrez-vous à Tokyo?
En début de saison, mon objectif était de ne pas faire les mêmes erreurs que les saisons d’avant, ou parfois j’étais nerveux. Et quand on a commencé les compétitions internationales cette année, je me suis plus concentré sur moi-même et sur mon tir. Cela m’a beaucoup aidé. Je me fixe pas d’objectif en terme de performances, je voulais juste être content de mon tir et de moi-même. Et jusque ici cela fonctionne bien donc je ne vais pas changer d’approche.
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