Après 17 ans au plus haut niveau, Christine Majerus a donné ses derniers coups de pédales au sein du peloton professionnel, il y a plus d’un mois. Figure emblématique du cyclisme féminin, la plus titrée des cyclistes luxembourgeoises laisse derrière elle une empreinte indélébile, tant sur la route que dans le cœur des spectateurs et des équipes par lesquelles elle est passée. Retour sur un personnage qui a porté haut les couleurs grandes ducales.
Depuis le 13 octobre, le rideau est définitivement tombé. Ce jour-là, alors que l’automne avait déjà pris ses quartiers depuis trois semaines, Arnhem et ses 150 000 habitants ont été spectateurs de la dernière représentation de la reine parmi les reines du cyclisme grand-ducal : Christine Majerus a pris sa retraite. En ce 13 octobre 2024, celle qui est auréolée de quarante-et-un sacres nationaux a accroché une anecdotique trente-et-unième place dans la capitale de la Gueldre. Le ciel batave a versé quelques gouttes, comme s’il voulait adresser un message plein d’affects concernant le dernier effort livré par la coéquipière exemplaire du Team SD Word-Protime.
Comment résumer une carrière aussi dense que celle de Christine Majerus ? La tâche paraît presque impossible, tant sa trajectoire demeure le reflet d’une ténacité sans faille. Le virage pour donner des coups de pédales a été pris à la vingtaine après avoir mis de côté l’athlétisme dans lequel elle a su aussi performer. Les amoureux de vélo peuvent remercier une vilaine blessure qui l’éloigne des tartans. Place à l’asphalte ! Dès ses premières courses, elle intègre l’équipe nationale luxembourgeoise et se distingue rapidement par son talent naturel, son endurance et sa détermination. En 2008, elle rejoint ainsi l’équipe UCI ESGL 93-GSD Gestion : c’est le début d’une aventure professionnelle qui la mènera aux plus hauts sommets du cyclisme mondial.
Championne sur route, mais pas que. Son palmarès impressionne et inclut douze titres de championne du Luxembourg en cyclo-cross et quatorze sacres de championne du Luxembourg en course en ligne. Il vient confirmer un talent multidisciplinaire.
La soldate des forces armées a remporté le titre de championne du monde du contre-la-montre par équipes en 2016, une victoire qui reste gravée dans sa mémoire : « Le titre de championne du monde restera ancré en moi, car on travaillait depuis quelques années pour ça et c’était très symbolique », confie-t-elle. Ce jour-là, la championne luxembourgeoise a eu l’opportunité de partager ce triomphe avec ses coéquipières, une expérience qu’elle décrit comme l’un des moments les plus intenses de sa carrière.
Si Christine Majerus n’a jamais été la leader incontestée de son équipe, son travail acharné en tant que coéquipière a revêtu un aspect crucial dans les nombreuses victoires de ses leaders. Pendant plus de dix ans, elle a évolué au sein de l’équipe Boels Dolmans – devenue ensuite SD Worx – considérée comme la meilleure équipe féminine au monde. Son dévouement et son esprit d’équipe ont fait d’elle une partenaire précieuse pour d’illustres championnes comme Anna van der Breggen, Demi Vollering ou encore Lotte Kopecky.
« Il est vrai que beaucoup de gens ne comprennent pas toujours comment on peut se satisfaire de faire gagner quelqu’un d’autre alors que potentiellement on pourrait essayer de gagner soi-même. Dans un environnement comme celui-là, c’est facile de se sacrifier car on sait pourquoi on le fait. » explique la désormais retraitée, humble et reconnaissante pour les opportunités qui lui ont été offertes. Son rôle de capitaine de route lui a permis de participer activement aux victoires collectives, souvent en restant dans l’ombre, mais toujours avec un sens aigu de la stratégie et de l’efficacité.
Pour celle qui a été élue sept fois sportive de l’année, la décision de mettre fin à sa carrière n’a pas été prise à la légère, mais elle était prête à passer à autre chose. « 2024 était une belle année pour s’arrêter. J’ai eu mon temps et je pense que personne ne s’offusquera qu’à mon âge, j’ai aussi envie de voir autre chose que la vie super exigeante du sport professionnel. » raconte-t-elle avec une sincérité désarmante. À 37 ans, Christine a su écouter son corps, qui l’a parfois mise à l’épreuve ces dernières années, notamment lors de ses participations en cyclo-cross, où des douleurs récurrentes au dos l’ont obligée à réduire son implication. Elle a préféré partir au sommet, sans forcer une année de plus par confort ou par nostalgie.
« Je pense que j’ai effectué un travail sérieux jusqu’à la fin », ajoute-t-elle avec un sourire teinté de fierté. En effet, ses performances, même lors des dernières courses de sa carrière, ont montré qu’elle pouvait encore rivaliser avec les meilleures, comme en témoigne sa douzième place aux Mondiaux de gravel à Louvain (Belgique) au début du mois d’octobre dernier. Cependant, la lassitude et les contraintes liées à une carrière sportive ont fini par prendre le dessus, et Christine Majerus a choisi de tirer sa révérence.
La trentenaire fait partie de ces athlètes qui ont vu le cyclisme féminin évoluer de manière significative au fil des années. Lorsqu’elle a commencé, le sport était encore majoritairement amateur pour les femmes, et peu de cyclistes féminines pouvaient envisager une carrière professionnelle. Aujourd’hui, grâce à des pionnières comme elle, la discipline jouit d’une reconnaissance accrue, avec des structures plus professionnelles et des compétitions d’un niveau toujours plus élevé.
« Le sport féminin devient de plus en plus professionnel. C’est bien, c’est ce qu’on cherchait. Cependant, je veux aussi mettre en garde car avec le professionnalisme viennent aussi des aspects moins beaux », explique la championne, satisfaite de voir que les jeunes générations bénéficient de conditions bien meilleures que celles dont elle disposait à ses débuts. Elle espère que son parcours inspirera d’autres jeunes, qu’ils soient femmes ou hommes, à oser suivre leur passion, même si la route est semée d’embûches.
Bien que sa carrière sportive soit désormais derrière elle, Christine Majerus ne compte pas s’éloigner complètement d’un monde pour lequel elle s’est sacrifiée pendant quasi deux décennies. « Je verrai mon futur job comme j’ai vu mon travail en tant que cycliste », dit-elle avec détermination. Elle est actuellement en train d’explorer différentes options pour sa reconversion, et bien qu’elle hésite entre rester dans le sport ou s’ouvrir à de nouveaux horizons, une chose est sûre : elle abordera cette nouvelle phase de sa vie avec la même passion et la même rigueur qui ont fait d’elle une athlète d’exception.
« J’ai fait ce que j’avais envie de faire », conclut-elle, fière du chemin parcouru et sereine face à l’avenir. Pour Christine Majerus, le vélo n’est peut-être plus une priorité, mais l’amour du sport, du défi et du dépassement de soi restera à jamais gravé dans son ADN. Son parcours, ses victoires et surtout son esprit d’équipe laisseront une trace indélébile dans l’histoire du cyclisme luxembourgeois et mondial. Difficile donc de résumer une telle carrière, et encore plus de conclure sans adresser un ému et sincère MERCI à Christine Majerus pour nous avoir fait vivre toutes ces émotions.
Laurent Périard
La jeune cycliste de Ceratizit-WNT Pro Cycling revient sur la décision de son aïeule et modèle.
MENTAL! : Qu’avez-vous ressenti en apprenant que Christine Majerus prenait sa retraite ?
Nina BERTON : Quand Christine a annoncé sa décision, c’était un moment presque irréel. Depuis que j’ai commencé le cyclisme, elle a toujours été là. Je ne connais pas vraiment ce sport sans elle. Je pense que je ne réaliserai pleinement son absence qu’au début de la saison prochaine, quand elle ne sera plus dans le peloton. Ce sera vraiment étrange de ne plus la voir aux avant-postes, et elle va beaucoup nous manquer.
Comment son attitude a-t-elle influencé votre propre développement dans ce sport ?
Christine a toujours couru avec des ambitions claires. Elle ne participait pas à une course juste pour y être présente. Cette mentalité a eu un grand impact sur mon développement. Elle m’a appris à m’engager à 100 % dans une course et à toujours donner le meilleur de moi-même. Cela m’a beaucoup aidée à trouver ma place dans le peloton professionnel, surtout dans mes premières années.
Y a-t-il des conseils ou des moments particuliers partagés avec elle qui ont marqué votre progression ?
Oui, il y a eu beaucoup de moments marquants avec Christine, que ce soit quand j’étais plus jeune ou même encore cette année. Je me souviens notamment d’un qui s’était passé lors de ma deuxième année chez les juniors. Nous étions en Bretagne avec l’équipe nationale pour des courses élites, et c’était ma première expérience dans un peloton professionnel. J’étais très nerveuse, mais partager une chambre avec Christine m’a apaisée. Elle avait une manière de rendre les choses simples et de me faire comprendre qu’il ne faut pas se focaliser uniquement sur le vélo, sous peine d’en perdre l’essence même qui nous a poussé à commencer ce sport.
Avec le départ de Christine, pensez-vous que le cyclisme féminin au Luxembourg est à un tournant ?
Avec son départ, un chapitre se ferme et un nouveau commence. Christine a été le symbole du cyclisme féminin luxembourgeois pendant les dix ou douze dernières années. Maintenant, c’est une nouvelle ère qui s’ouvre mais je pense qu’il y a de plus en plus de jeunes filles motivées, qui ont vu grâce à elle ce qu’il est possible d’accomplir. Aujourd’hui, le cyclisme féminin se développe énormément et je pense que l’avenir peut être très excitant, même s’il sera différent sans Christine.
Comment envisagez-vous de contribuer à la visibilité et à la promotion du sport pour les futures générations ?
C’est une question difficile, parce que je ne sais pas encore exactement comment je vais m’y prendre. Mon parcours pour arriver dans le peloton professionnel a été à la fois turbulent et excitant. Je suis encore jeune, j’ai beaucoup à apprendre, mais j’espère déjà inspirer les jeunes athlètes à travailler dur pour atteindre leurs objectifs. Je suis proche des jeunes générations, surtout des filles au Luxembourg qui pratiquent le cyclisme. Lors des entraînements de cyclo-cross ou des stages avec l’équipe nationale, j’essaie de leur transmettre l’importance du plaisir dans ce sport.
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