Avoir été joueuse de tennis professionnelle pendant 22 ans et atteint le 66e rang au classement WTA (47e en double) lui confère une autorité dans le domaine sportif qui n’est plus à prouver. Entretien avec Mandy Minella sur l’impact du sport sur la santé.
Mental! : Vous avez été sportive de haut niveau pendant plus de 20 ans! Le sport pour vous, plus qu’une profession, c’était une passion ? Un besoin ?
Mandy Minella : C’était avant tout un mode de vie ! Je suis rentré dans le sport et l’ai vécu comme une vraie passion. Cela explique je pense pourquoi je suis allée aussi loin, pas parce qu’on m’a forcé mais parce c’était naturel pour moi.
Qu’est-ce que vous a appris la pratique sportive en matière d’hygiène de vie ?
Pour moi, le sport est l’école de la vie. Il m’a tout appris : la discipline, le respect envers les autres, la résistance à la pression, la gestion du stress… Le sport a toutes ces facettes qui apparaissent dans la vie de tous les jours finalement. En tant qu’être humain et femme, à côté du sport de haut niveau et du tennis plus spécifiquement, avec tout ce que j’ai vécu, toutes les personnes que j’ai rencontrées, d’horizons et de nationalités différents, ça apporte tellement de choses. On dit aussi que le tennis est un sport solitaire, mais non seulement j’ai toujours travaillé en équipe, et j’ai aussi appris à m’entendre avec la concurrence, en faisant la part des choses entre le terrain et le soutien humain.
Parmi les bienfaits du sport sur la santé, outre l’aspect physiologique, quelles sont les conséquences psychologiques d’un exercice physique régulier ?
Tout d’abord on évacue le stress de tous les jours ! On apprend à se connaître soi-même : connaître son corps, ses limites et au niveau mental à repousser les limites qu’on a dans la tête. On apprend à stimuler à la fois le physique et le mental, et ça, dans la vie quotidienne, c’est essentiel, à côté du travail ou de l’école : pouvoir gérer et évacuer tout ça à travers le sport.
« Dans moins d’une génération, cela va devenir catastrophique au niveau santé mentale et physique. »
Le sport est également un vecteur de lien social, et cela est d’autant plus valable pour les seniors et les plus jeunes. En tant que maman, incitez-vous vos filles à pratiquer du sport ?
Tout à fait ! C’est quelque chose qu’on veut vraiment leur transmettre. Le sport implique toute la société. Même ceux qui ne pratiquent pas, le sport est fédérateur, lors des grands événements, quand on encourage les sportifs, on vit le sport qui rassemble les gens. On ne se rend pas bien compte de son impact sur la société. C’est pour ça qu’en tant que maman, je veux leur donner une certaine hygiène de vie et une certaine mentalité de sport et de mouvement, pas seulement en compétition, pour qu’elles gardent avec elles sur leur chemin cette idée de meilleure santé. Car si l’on regarde les chiffres récents, on s’aperçoit que dans moins d’une génération, cela va devenir catastrophique au niveau santé mentale et physique, avec un coût triple par rapport à un investissement immédiat. Le sport est aussi inclusif, il est le meilleur moyen d’intégration ! En ce moment on travaille, suite à une question parlementaire, sur le sujet des enfants à besoins spécifiques : on s’aperçoit que le mouvement est là aussi pour évacuer toutes les sortes de stress.
Vous militez en faveur du sport pour tous. Le budget consacré au sport dans les finances du Grand-Duché est pourtant extrêmement réduit (0,21% du budget de l’État). Au vu de l’accord de coalition du gouvernement*, est-ce qu’une part du financement pourrait venir du ministère de la santé ?
Pourquoi pas ? Je trouve que cette réflexion est la bonne, le budget a été déposé début mars, je ne sais pas encore ce que le Ministre des sports a réussi à obtenir, ce sera la surprise, mais effectivement le budget global est vraiment très peu pour un sujet aussi important, sachant que la culture dispose d’une budget trois fois plus grand. La moyenne européenne est à 2% : sans prétendre aller jusque là, grimper petit à petit ne pourra être que bénéfique pour la santé qui pourrait donc y contribuer.
Désormais, vous êtes engagée à la Chambre des Députés. Depuis plusieurs années, avec les problématiques de sédentarité voire d’obésité dans la société, on tend à inciter la population à la pratique du sport. Estimez-vous que les pouvoirs publics en font assez ?
La question est centrale, et tout le monde dans son domaine a conscience des enjeux. Il faut juste davantage travailler ensemble. Je suis plutôt axée sur les enfants : si on leur donne une bonne base sportive, en l’incluant davantage dans la vie de tous les jours, ce ne peut être que positif. Par exemple, le projet d’une heure supplémentaire de sport à l’école pour moi n’est pas l’unique chemin à prendre. Le but, c’est de trouver un moyen pour que les enfants et adolescents puissent faire plus de de sport et avoir plus de mouvement aussi en dehors de l’école.
Vous avez également travaillé sur le projet de « carrière civile » pour les sportifs. Pouvez-vous nous en dire plus et notamment si le dossier est toujours d’actualité ?
Oui, il s’agit d’un projet pour les sportifs de haut niveau et d’élite. J’avais posé la question à Georges Mischo lors de la première commission. C’est une chose importante pour que nos meilleurs athlètes ne s’arrêtent pas à mi-chemin pour des raisons de sécurité financière et sociale. Il faut énormément de temps pour arriver au meilleur niveau dans le sport et atteindre ses objectifs. Arrivés à 20-25 ans, beaucoup se demandent s’ils doivent stopper pour se consacrer aux études ou à une reconversion professionnelle, car dans de nombreux sports, même si on fait partie des meilleurs au monde, on ne gagne pas sa vie suffisamment.
On attend souvent des athlètes de haut niveau qu’ils performent, dès le plus jeune âge, sans forcément mesurer l’impact négatif que cela peut occasionner sur des organismes encore en croissance. Comment l’avez-vous vécu en tant que sportive qui a joué en Fed Cup dès l’âge de 15 ans ?
C’est vrai, c’est un autre domaine du sujet mais très intéressant aussi. Quand on est sportif de haut niveau, on atteint les extrêmes, et effectivement ce n’est pas pour chacun. Quand on est très jeune, on est parfois poussé voire forcé à aller dans ces extrêmes. Pour ma part, c’était volontairement et par passion que j’allais au-delà de mes limites, mais ce n’est pas forcément le cas pour tout le monde et il faut protéger nos enfants de ces extrêmes.
Vous étiez revenue avec nous sur la difficulté de concilier sport de haut niveau et maternité. Au-delà de cet aspect, estimez-vous que votre carrière vous a endurcie ou plutôt affaiblie physiquement ?
Personnellement, je n’en garde que de très bons souvenirs. J’étais beaucoup plus forte après la naissance d’Emma, je suis revenue plus forte qu’avant, au meilleur niveau en huit mois. Il faut dire que j’avais la chance incroyable d’avoir un mari derrière moi et une famille qui était prête faire tous les déplacements pour que je puisse être près de ma fille. Mentalement ça m’a donné une force incroyable. Après la naissance de ma deuxième fille, quand j’ai essayé de revenir sur le circuit, c’était quand même beaucoup plus durs, j’ai commencé à vieillir, mon corps voulait peut-être moins : plus de mal à m’entraîner, plus de pépins physiques. Mais ça m’a rendue plus forte. Et je pense que le plus important c’est surtout que mes enfants vivent leur vie, et pas la mienne, donc c’était le bon moment pour s’arrêter. On a fait plein de photos, on a gardé plein de souvenirs, donc on va leur raconter et leur transmettre cette aventure enrichissante.
« Il faut se faire mal
pour se sentir bien! »
On vous présente souvent comme une ex-joueuse de tennis. Mais depuis votre retraite sportive, vous jouez toujours régulièrement ?
Oh oui, toujours ! Je continue à jouer dans les ligues, les plus grands championnats internationaux : Allemagne, France, Suisse, et aussi le championnat luxembourgeois car je tiens à représenter mon club. J’essaie de m’entraîner quatre fois par semaine, et on entraîne Marie Weckerle, notre meilleure joueuse luxembourgeoise actuelle, qui a fait sa première finale [Rafael Nadal Academy].
Le sport et la santé sont des domaines avec des implications mutuelles très nombreuses : on peut citer les liens de cause à effet vis à vis du sommeil, de la nutrition, de la santé mentale… Pour vous, quel aspect est le plus important ?
Le sommeil est le plus important : c’est lui qui nous donne l’énergie à dépenser tout au long de la journée. La nutrition est également essentielle. Pour résumer, chez les sportifs, on dit : « on mange et on dort sport ». Donc notre hygiène de vie, c’est le sommeil et la nutrition, l’essence de notre corps nécessaire pour avoir une vie saine. Bien sûr, je me suis privée : je n’ai pas eu de vie étudiante, je ne buvais quasiment jamais d’alcool, je mangeais équilibré mais ça n’a jamais été un sacrifice. Quand on le fait avec plaisir, par passion, c’est bien pour soi. Il faut se faire mal pour se sentir bien ! Quand on voit le résultat, on est satisfait aussi mentalement, on est stimulé. C’est aussi le cas dans le travail de tous les jours : chaque personne qui veut bien faire son travail ressent de la satisfaction après avoir travaillé dur. Le sport ajoute une dimension hormonale : on se sent encore mieux en plus des effets sur la santé physique !
* L’accord de coalition 2023-2028 « Lëtzebuerg fir d’Zukunft stäerken » du gouvernement dans son chapitre sur le Sport débute par : « Les bienfaits de l’activité physique et des sports ne sont plus à démontrer et leur importance pour la société, la santé et l’économie est indiscutable. Le Luxembourg n’échappe pas pour autant au problème croissant de sédentarité et d’inactivité physique, qualifié d’épidémie du 21e siècle par l’OMS. » Il précise plus loin que « le coût économique de cette inaction est considérable, avec des estimations de plusieurs millions d’euros en termes de coûts de soins de santé et de pertes de productivité du travail. »
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