Licencié par le F91 Dudelange officiellement pour « divergences de direction et de visions concernant l’approche de l’équipe et les objectifs à moyen et long terme », le coach Marco Martino a tenu à réagir après avoir été accusé par son comité chez nos confrères d’installer une «ambiance malsaine», d’«inéquité de traitement» ou d’un manque de respect «envers certains bénévoles dévoués». Entretien exclusif.
Il a pris le temps de digérer l’information qui lui a été transmise le 30 décembre tandis qu’il était en vacances à l’autre bout de la planète : le club de la Forge du Sud s’est séparé de lui alors qu’il cochait toutes les cases des objectifs de pré-saison. Après l’incompréhension, le temps est venu de sortir du silence. Marco Martino a décidé de prendre la parole pour rétablir la vérité face à ce qu’il considère comme de la diffamation de la part de son ancien club dans les colonnes du Quotidien ou sur les antennes de RTL.
Tout le microcosme du football luxembourgeois a été frappé de stupeur avec cette annonce sur votre licenciement…
Marco MARTINO : « Il y a eu une vague d’incompréhension parce que la communication n’est pas claire… J’ai eu le temps à présent de prendre un peu de recul. Je pense que ceux qui étaient avec moi, que ce soient les joueurs ou le staff, ou même les personnes qui m’entouraient : tout le monde m’a appelé et personne n’a compris. Les joueurs m’ont appelé les uns après les autres pour me demander ce qu’il s’était réellement passé ! Car quelque chose avait dû se passer quand même !
Et que personne ne s’y attendait ?
Non, soyons honnêtes : il n’y avait rien à s’attendre, puisque les objectifs définis par le club en début de saison ont tous été atteints. Finir européens, faire un beau parcours en coupe, passer un tour en Conference League, renforcer la deuxième équipe et donner leur chance aux jeunes de Dudelange. Je peux dire que niveau championnat, on est deuxième, derrière une équipe de Differdange qui a fait un super premier tour. Toutes compétitions confondues, on n’a plus perdu depuis 11 matchs. Les seules défaites [NDLR : face à Differdange et au Racing], on n’était loin d’être ridicules, je pense que j’ai vraiment fait ce qu’il y avait à faire. On passe un premier tour européen en gagnant nos deux confrontations, et on tombe sur plus fort au deuxième tour. En Coupe de Luxembourg, on passe les deux tours contre des D1 en donnant la chance à nos jeunes. La deuxième équipe a été renforcée tous les matchs : j’ai fait avec elle les déplacements jusqu’à Wiltz, par exemple. Mais aussi Hesperange, Strassen, Jeunesse, j’ai fait presque tous les matchs en accord avec Claudio Lombardelli. Avec nos joueurs de Dudelange : j’ai fait jouer Ivan Englaro, Miguel Gonçalves… Joao est passé gardien n°2 et a eu sa chance en coupe, Pedro Calmente a joué ses premières minutes en BGL Ligue et a marqué, Diogo Monteiro a eu plus de temps de jeu que la saison passée… Tous les objectifs ont été atteints. Donc forcément je suis dans l’incompréhension totale quand on me dit qu’on veut pas me garder. Or les raisons invoquées par le club ne correspondent pas à la réalité. Et comment se défendre ? C’est parole contre parole. Mais je peux pourtant dire que c’est bien la première fois qu’on me reproche ces points. Je défends toujours l’intérêt du groupe en accord avec les objectifs du club. Si cela donne l’impression que je suis un jeune entraîneur qui agit uniquement selon ses propres idées, line m’est pas possible de changer cette perception. Peut-être qu’on ne me le reprochera plus dans quelques années : l’histoire de l’âge ne sera plus un argument !
Mais il y a forcément une raison, qui n’a pas été ouvertement évoquée, mais que vous connaissez?
Bien sûr… J’ai du mal à comprendre comment on peut ne pas évoquer la raison, et d’un autre côté tenir des propos faux. Mentir à la presse, à son équipe et à son comité. Et je trouve ça très grave. Des membres du Conseil d’administration m’ont même appelé et dit qu’ils ne partageaient pas ces sorties médiatiques et ne pouvaient pas comprendre ce qui m’avait été reproché. Ce n’est pas la question de me licencier, ils font un choix que je ne conteste pas et que je respecte. Mais aller dire à la presse que j’installe « une ambiance malsaine », c’est limite de la diffamation. Et derrière aller à nouveau parler à RTL sur des choses inventées, que je ne respecte pas les bénévoles ? Je pense qu’on peut être en désaccord mais jamais en 13 ans je n’ai manqué de respect auprès d’un bénévole ! Quand on parle de manque de communication, de mauvaise gestion de l’équipe et d’ «inéquité» de mes choix… Dans toute équipe, il y a des joueurs insatisfaits, c’est normal. Peut-être qu’il y avait des joueurs mécontents de leur temps de jeu, mais en aucun cas parce que je leur manquais de respect ou que je ne les traitais pas de manière égale. Tous avaient toujours reçu une explication. C’est parce qu’ils n’arrivaient pas à dépasser la concurrence : on est à Dudelange, il y a du niveau ! Et pourtant j’ai laissé sa chance à tout le monde : on est l’équipe qui compte le plus de buteurs différents en championnat, j’ai donné du temps de jeu à 25 joueurs toutes compétitions confondues, ce qui n’est pas négligeable.
Des objectifs atteints mais qui ont été revus à la hausse après le bon début de saison ?
Au début, l’objectif était de finir européens, mais après trois ou quatre semaines, on est venu me voir pour me dire qu’on devait finir champions. Je n’ai pas de problème avec cet objectif, mais il y a une différence. Quand on m’a dit après la quatrième journée quand on était 5e qu’on ne s’entraînait pas assez, j’ai fait passer le groupe de 4 à 5 entraînements par semaine. Alors que je suis le seul coach du top 5 à avoir un travail en dehors du foot… Mais on a augmenté la cadence, j’ai fait ce qu’on me demandait. Pourtant de juin à décembre, je n’ai eu de réunion en présence pour s’asseoir et discuter ensemble qu’une seule fois, à ma demande. Et donc je suis en droit de me demander ce que le club voulait vraiment. Parce que j’ai tout fait sauf une chose : je n’ai pas accepté qu’on me dise quel joueur doit jouer. C’est le seul moment où je n’en ai fait qu’à ma tête, sur le choix des joueurs. C’est à moi de décider qui joue et qui ne joue pas. Parce qu’à partir du moment où je ne décide plus de ça, je ne vois pas pourquoi ils auraient besoin d’un entraîneur…
Donc vous avez subi des pressions pour la composition d’équipe ?
Fin octobre, j’ai été convoqué par une personne avec des pensées individualistes qui me sort : « On a un problème. Il y a un joueur qui devrait jouer qui ne joue pas. Soit tu règles le problème, soit c’est moi qui vais le régler. » Or pour moi, ceux qui sont sur le terrain sont ceux qui l’ont mérité à l’entraînement. Je ne peux pas mettre l’équipe en difficulté pour des questions extra-sportives. Alors quand le président m’a appelé le 30 décembre pour me dire qu’on n’allait pas continuer ensemble parce que les résultats étaient en péril avec moi, j’ai simplement remercié le club de m’avoir donné une chance.
Quel est votre état d’esprit à présent ?
Il n’y a aucune colère, aucun ressentiment. Je pars avec le sentiment de mission accomplie. Mais je le vis comme une injustice. Je suis 2e du championnat, je suis en lice en coupe, et on ne me laisse pas finir la saison. Franchement j’aurais préféré finir cette saison à la 8e place que de partir comme ça. J’ai un sentiment d’injustice mais la conscience saine, car je n’aurais pas pu faire plus que ça. Mais je tiens à souligner que pas une seconde mes choix de faire jouer un joueur n’ont été dictés par autre chose que l’aspect sportif. Jamais je n’aurais fait payer à un joueur les erreurs d’une autre personne. Donc quand on parle d’inéquité, j’ai du mal à comprendre. La seule raison qui fait que je ne suis plus coach à Dudelange, c’est parce que je n’ai pas cédé à la pression de laisser jouer certains joueurs. Je lave mon honneur : je ne peux pas accepter certains propos qui ont été tenus.
Pas de quoi vous dégoûter d’un banc au Grand-Duché tout de même ?
Tous ceux qui me connaissent depuis que j’étais à Kehlen savent que je rêve d’aller dans le monde pro. Je ne veux pas finir ma carrière à 60 ans ici. Si à un certain moment je ne suis pas à l’étranger, je pense que j’arrêterai pour me consacrer à fonder une famille. Avec moi, ça a toujours été : c’est tout ou rien. J’ai toujours tout fait pour mon équipe et mon groupe. Et jamais je n’accepterai le fait de mettre en danger l’équipe pour des personnes à pensée individualiste. Je remercie Dudelange pour ce que j’ai vécu, et je leur souhaite bonne chance pour atteindre leurs objectifs du deuxième tour. »
Une chose est sûre, Marco Martino aura laissé Dudelange en bonne position au classement, 2e ex aequo avec le Racing (mais une meilleure différence de buts), comptant 3 points d’avance sur l’ogre Hesperange et 4 sur le prétendant Niederkorn. Il sera difficile pour son successeur Mika Pinto, qui était son préparateur physique, de faire mieux sur la phase retour.
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