Si vous avez vécu la sortie de Matrix en 1999, il est impossible que vous soyez passé à côté du phénomène et vous avez peut-être même vous aussi adopté à l’époque le look à base de long manteau de cuir noire et de lunettes de soleil de Néo, héros du film qui va combattre les machines qui ont asservi l’humanité tout entière. C’est simple, lorsque le film des Wacho débarque dans les salles il fait l’effet d’une bombe ringardisant au passage un bon paquet de films d’action qui se frottaient à lui cette année-là. Même les Jedi de tonton Lucas et leur sabres lasers dans La Menace Fantôme ont pris un bon coup de vieux. Bien entendu ceux qui étaient déjà adeptes de films HK ou d’animés à la Ghost in the Shell étaient déjà un peu plus habitués à cette approche plus stylisée de l’action, mais il y a vraiment eu un avant et un après Matrix au cinéma mais aussi dans le jeu vidéo… coucou Max Payne ! Joueuses depuis bien longtemps, les sœurs Wachowski étaient d’ailleurs déjà motivées en 1998 pour porter le 1er volet de leur saga sur consoles allant même jusqu’à contacter de grands noms de l’industrie comme Hideo Kojima (créateur des Metal Gear) ou Bungie (Halo et Destiny). Matrix n’étant pas encore le phénomène qu’il deviendra à sa sortie, le projet n’aboutira pas et il faudra attendre que le film explose le box-office pour que les budgets se débloquent pour financer à la fois les suites que l’on connait mais aussi un univers étendu via des comics, des courts-métrages animés et donc un jeu-vidéo qui arrivera en 2003 sur Ps2, Xbox, Gamecube et PC.
Très ambitieuses, les sœurs Wachoswki voyaient les choses en grand pour les œuvres qui allaient étendre leur univers. Il suddit de voir la réunion de talent sur les animés qui constituent The Animatrix pour s’en convaincre et sentir que la Warner faisait entièrement confiance aux frangines pour développer comme elles l’entendaient le monde qu’elles ont créé. Chaque projet devait apporter sa pierre à l’édifice Matrix et il en était donc de même pour Enter the Matrix, jeu développé par Shiny Entertainment, studio dirigé par David Perry créateur bien connu des joueurs et des joueuses des années 90 puisqu’on lui doit des pépites comme la version Megadrive d’Aladdin (même si l’auteur de ces lignes préfère la version Super Nes), Earthworm Jim ou encore un MDK qui avait fait forte impression en 1997. C’est en étroite collaboration avec les réalisatrices que Perry et ses équipes vont préparé l’adaptation pendant environs 8 mois pour déterminé ce que devait raconter le titre qui allait sortir sur les machines de jeux en même temps que Matrix Reloaded second film de la saga qui été attendu par une horde de fans qui voulaient leur dose de bullet time.
David Perry en 2002 sur sa collaboration avec les Wachowski dans une interview :
« En tant que gameuses, les Wachowski ne voulaient pas faire un jeu dérivé qui suive l'arc narratif du deuxième film. Elles voulaient essayer quelque chose de différent. Quelque chose qui en dit long aux joueurs. Quelque chose que les fans de Matrix peuvent adopter. Quelque chose qui mélange parfaitement les efforts du développeur et du studio. Quelque chose qui redéfinira la façon dont les cinéphiles voient les jeux et les joueurs regardent les films. Ce quelque chose est Enter The Matrix. »
Avec un budget de 20 millions de dollars et après presque 3 ans de développements, Enter the Matrix débarque enfin dans les magasins et à l’image de Reloaded c’est un véritable carton qui se classera même dans le top 10 des meilleures ventes de l’année 2003. Atari l’éditeur du jeu se frotte les mains mais la fête va vite être gâchée par les retours critiques de la presse, des joueurs mais aussi des fans loin d’être convaincu par un jeu qui en plus de ne pas avoir l’air véritablement terminé, ne leur permettra pas de prendre en main Néo personnage principale de la trilogie Matrix. Oui le jeu est donc un succès commercial, mais la pilule qu’elle soit rouge ou bleue a bien du mal à passer face aux nombreux problèmes que l’on pouvait rencontrer lors des parties surtout sur PC ou il était même parfois impossible d’accéder au titre après son installation. Rude, surtout qu’en 2003 pas question d’installer de patch day one comme c’est souvent le cas aujourd’hui pour régler la situation. Sur console, il n’y avait certes pas ce problème mais le jeu était techniquement loin des standards de l’époque. Pas forcément très beau, Enter The Matrix souffrait aussi de gros problème de gameplay et de level design qui rendaient certaines séquences particulièrement pénibles. Il n’était pas forcément évident d’y trouver son compte sauf si comme nous vous étiez à l’époque assez au taquet sur la franchise pour presque excuser tout est n’importe sous couvert de pouvoir faire du kung-fu et des gunfights acrobatiques au ralenti dans l’univers de Néo… ce qui d’ailleurs est un non-sens absolu au regard des règles établies par la saga ou le personnage de Keanu Reeves EST l’élu.
Cette absence de logique sur des nombreux éléments et le manque d’intérêt de l’histoire racontée dans le jeu seront très mal perçue par les fans hardcore des films à qui on avait vendu un prolongement logique de l’histoire et de l’univers. Alors qu’Enter The Matrix était présenté comme presque indispensable à la compréhension de Matrix Reloaded et que les réalisatrices sont allées jusqu’à plusieurs heures de séquences avec les vrais acteurs/actrices des films, Il n’apportait finalement pas grand-chose au schmilblick en plus de se révéler n’être finalement qu’une nouvelle adaptation d’une licence pas très bien finie. Mais est-ce qu’il était vraiment possible à l’époque de la Ps2 d’atteindre les objectifs techniques et narratifs fixés par Lana et Lilly Wachowski ? Rosanna Sun productrice du jeu à l’époque est loin d’en être certaine et elle l’avait déclaré dans le magazine Wireframe :
"Les Wachowskis savaient qu'elles allaient au-delà de ce qu'elles avaient vu dans les jeux jusqu'alors. Nous sommes arrivés au point où, avec toutes les séquences du film et les cinématiques, nous avions déjà rempli le disque avant même d'avoir joué. Il a fallu faire des choix difficiles sur la façon de rester fidèles aux choses que nous avions créées pour le jeu. Nous voulions vraiment montrer ce qu'on savait faire de mieux, et ce n'était pas encore le cas. C'était la partie la plus difficile et la plus déchirante du processus pour David [Perry], moi et l'équipe."
Pourtant, nous l’avons dit un peu plus haut, le jeu est tout de même un gros carton ce qui va pousser en 2005 Atari à proposer aux fans déçus The Path of Neo, nouveau jeu entièrement centré comme son nom l’indique sur le personnage de l’élu. Plus classique car se reposant sur des enchainements de scènes d’action cultes de la saga et à peine plus maitrisé sur le plan technique que son prédécesseur, ce nouveau jeu toujours développé par Shiny Intertainment ne réitèrera pas le carton d’Enter the Matrix stoppant net les ambitions vidéoludique de Thomas Anderson et de ses potes (même si il y aura une tentative de Matrix Online) qui étaient quand même nettement moins classe en 3D moche que sur un écran de cinéma… enfin jusqu’à aujourd’hui !
En effet, oh surprise après plus de 15 années d’absence l’œuvre des Wachowski est de retour sur console mais cette fois au travers d’une démo technique développée pour mettre en avant les qualités du moteur Unreal Engine 5. Disponible gratuitement uniquement sur Ps5 et Xbox Series, Matrix Awakens est une véritable baffe graphique et technologique qui nous plonge dans un monde ouvert bourré de détail et entièrement éclairé par le soleil qui est l’unique source de lumière… bluffant ! S’il ne faut pas s’attendre à une expérience ludique véritablement poussée, cette démo montre enfin réellement ce que la nouvelle génération de console a dans le ventre ce qui nous conforte sur la qualité des jeux qui débarqueront dans les prochains mois. Reste quand même une question, est-ce que cette démo développée main dans la main par les équipes d’Epic Games et du studio The Coalition (qui appartient à Microsoft) aboutira à un véritable jeu dans l’univers de Matrix ou n’était-ce qu’un bel outil promotionnel pour coller à l’arrivée du nouveau film dans les salles… réponse en cas de succès ?
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