Il demeure dans l’ombre des épopées olympiques. La vie de Michel Théato a pris l’allure d’un récit riche en rebondissements et en émotions.
Né le 22 mars 1878 à Luxembourg, ce coureur hors du commun a marqué l’histoire en devenant le premier champion olympique d’athlétisme pour la France lors des Jeux de Paris, vingt-deux ans plus tard. Portrait d’une légende dont les origines luxembourgeoises sont restées trop longtemps méconnues.
Départ luxembourgeois, destin français
C’est à douze ans que le jeune Michel quitte, avec sa famille, le Grand-Duché du Luxembourg pour la France. Les Théato s’installent définitivement à Paris après avoir émigré en Belgique. Quelques années plus tard, il y exerce le métier d’ébéniste, un changement de vie. Surtout, le début d’une incroyable aventure sportive avec le tricot aux couleurs tricolores de son pays d’adoption. Car le jeune homme à l’extraordinaire longueur de jambes se trouve, de manière logique, rapidement happé par la pratique de la course à pied. Il prend une licence au Racing Club, une formation proche du domicile familial situé dans le vingtième arrondissement de la capitale française. L’athlète commence à se faire un nom. Si bien que le 19 juillet 1900, il fait partie des dix-neuf courageux qui prennent le départ du marathon réservé aux « amateurs », organisé à la fois dans le cadre de l’Exposition universelle et des Jeux Olympiques de Paris. Sous un soleil de plomb et une température avoisinant les trente neuf degrés, Michel Théato et dix-huit autres athlètes s’élancent pour un peu plus de quarante kilomètres épiques autour de la cité parisienne. Sous les yeux ébahis de deux mille spectateurs, Théato y réalise l’impensable en s’imposant après 2 h 59 min 45 s d’efforts. Le voilà sacré dans le « marathon des fortifs », surnommé ainsi par le journaliste Géo Lefèvre en raison du parcours qui fait le tour des fortifications de Paris.
Le marathon de la discorde
Cette victoire est loin de faire l’unanimité et soulève une vague de contestations. Des accusations de tricherie émergent notamment de la part des concurrents américains qui prétendent que Théato aurait pris des raccourcis, connaissant parfaitement les rues de Paris grâce à son métier de boulanger. La rumeur est tout bonnement infondée puisqu’il est ébéniste. Devant ces accusations, le triomphe du joyau luxembourgo-français reste longtemps retardé. Sa médaille d’or ne lui est remise, en effet, qu’en 1912, soit une attente interminable de douze années. Cette reconnaissance tardive n’altère en rien l’exploit de Théato, qui entre dans l’histoire comme le premier champion olympique français d’athlétisme, malgré ses racines luxembourgeoises. Et c’est bien là que le bât blesse car ce succès de Théato a longtemps été une source de controverses, notamment en raison de son statut national. N’étant pas encore naturalisé français au début du 20e siècle, car il aurait dû effectuer son service militaire au moment de l’Olympiade, sa victoire aurait pu être attribuée au Grand-Duché. Après des décennies de débats, une requête luxembourgeoise s’est vue rejetée par le Comité International Olympique (CIO) en 2004. Le bref affichage erroné du drapeau luxembourgeois sur le site du CIO en 2021 n’y changera rien. Michel Théato restera pour de bon officiellement le premier champion olympique français d’athlétisme. Malgré sa médaille d’or aux Jeux et un titre de vice-champion de France de cross-country en 1901, le natif de Luxembourg – Ville s’éteint dans l’oubli le 2 avril 1923, de l’autre côté de la frontière, dans la Ville Lumière.
Sa vie, un mélange d’audace et de mystère, rappelle que derrière chaque médaille se cache une histoire humaine, souvent méconnue et parfois fascinante. Michel Théato, le marathonien luxembourgeois devenu sportif héroïque français, incarne parfaitement cette réalité. Entre les allées ombragées de la Croix-Catelan et les pages oubliées de l’histoire sportive, son exploit demeure un témoignage vibrant de l’ère naissante de l’olympisme, où l’extraordinaire se mêle intimement à l’épreuve du temps.
Un champion à la croisée des chemins
Peu importe la nationalité qu’on lui confère, l’histoire de Michel Théato perdurera comme celle d’un athlète, figure emblématique de l’olympisme, qui s’est trouvée à la croisée des chemins entre deux nations et deux siècles. Sa victoire au marathon de 1900 est un témoignage de l’esprit sportif et de l’ambition qui animaient les premiers Jeux olympiques modernes. Malgré les controverses et les ambiguïtés entourant son triomphe, l’histoire de Théato est celle d’une réussite exceptionnelle face à l’adversité, une source d’inspiration pour tous les athlètes qui ont suivi, et continueront à suivre ses pas.
Christophe Borel
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