Les bilans de mi-saison conduisent parfois à prendre des décisions inattendues. Filipe Ribeiro, coach de l’Union Titus Pétange depuis l’été, en a fait les frais après une moitié de championnat en demi-teinte. Entretien exclusif avec l’entraîneur portugais lâché par son club.
Il a pris le temps de répondre avant son vol pour passer les fêtes auprès des siens. Luís Filipe de Castro Ribeiro, arrivé de l’Alisontia Steinsel cet été pour remplacer Yannick Kakoko à Pétange, y tenait pour clarifier les choses. Car on ne peut s’y méprendre : les objectifs fixés en début de saison étaient remplis avec la 10e place à mi-parcours. « Ce que la direction m’avait demandé, c’était au minimum de terminer le championnat à une position au-dessus de la première place de barragiste, c’est à dire le maintien. Or, à ce jour, la position dans le classement dépasse les objectifs initiaux. L’équipe est également qualifiée pour les huitièmes de finale de la Coupe, et a une différence de buts avec un solde positif. L’une des raisons invoquées par la nouvelle direction sportive est que terminer le premier tour avec 17 points est insuffisant. Quand je compare cela à la saison dernière, où l’équipe avait atteint l’hiver avec 22 points, avec un budget trois ou quatre fois supérieur, des individualités comme un Artur Abreu ou un Kempes Tekiela, déjà éliminée de la Coupe à l’époque : je conclus que le bilan actuel n’est pas si mauvais. Surtout compte tenu de la situation critique que, malheureusement, le club vit. »
Au-delà de la situation du club, en cause la série de 7 matchs sans victoire en championnat : l’UTP n’a plus gagné depuis le 25 septembre et la 8e journée (face à Wiltz). Mais dans le jeu, ce n’est pas si mal. Et face aux gros ces derniers temps, Pétange tient son rang : un nul obtenu à Dudelange avec la manière en novembre (2-2) et un clean sheet à domicile face au Progrès en décembre (0-0).
Pour le désormais ex-coach Ribeiro, « si on marquait 50% des occasions qu’on a créées dans tous les matches, cela ne serait déjà pas mal. Honnêtement, je ne pense pas qu’on puisse parler de contre-performance. Dès le début, nous savions que notre effectif était limité en termes de solutions. C’était un groupe avec beaucoup de nouveaux joueurs, jeunes, dont la plupart n’était pas vraiment titulaire à Pétange ou dans d’autres clubs. Depuis le début de la saison, nous avons essayé d’être une équipe proactive dans les matches : contrôler avec le ballon, récupérer rapidement la balle pour attaquer à nouveau, créer des occasions de but. »
Mais en signant de larges victoires contre des concurrents directs (Mondercange, Bettembourg, Rosport), l’UTP était devenu l’épouvantail avant l’automne : « Après un bon début de saison, les équipes adverses ont commencé à adopter un bloc défensif très bas contre nous. Même comme ça, on a continué à trouver des solutions pour arriver au dernier tiers du terrain de manière propre et avec qualité, et à créer des occasions. Cependant, dans cette zone, il nous a souvent manqué des actions individuelles décisives et qui font vraiment la difference : le feu, la puissance physique, la faim de marquer, l’ambition… Et parfois un manque de maturité qui vient avec le temps de jeu et l’age. Trouver ce genre de caracteristiques coûte cher. »
Or de l’argent, le club n’en a pas. De chance non plus : « Quand je repense au match contre Differdange que nous avons perdu 0-1 sur un penalty, alors qu’on a controlé grande partie du match, au match contre Mondorf (défaite 1-0 sur un penalty) où on a eu également le contrôle avec des occasions, au nul contre Dudelange (2-2), où, sans une blessure de Mawatu nous obligeant à finir à 10, nous aurions pu gagner, ou encore au nul contre Niederkorn (0-0), un groupe avec des grandes individualités, où nous avons montré un courage et une personnalité incroyables, ou au nul contre Fola où nous avons eu 5 ou 6 occasions franches… Tout cela me rend fier de la performance de l’équipe. » Avec une moyenne de 1,35 points par match (en comptant les victoires en coupe), c’est plus que Kakoko sur l’ensemble de la saison passée (1,31 ppm).
Alors qu’est-ce qui a sonné le glas de la collaboration : Ribeiro, lâché par sa direction ? « Non, pas par les membres de la direction qui m’avaient invité à prendre l’équipe en début de saison. Ce départ a été décidé surtout par deux nouveaux membres qui viennent d’intégrer la direction du club. L’un d’eux va aider le club au niveau financier, il sera vice-president et c’est également le père d’un joueur qui fait partie de l’effectif de l’équipe. Ce vice-président a également fait venir une deuxième personne du Portugal, qui apparemment va occuper le poste de general manager et directeur sportif. »
Un nouveau directeur sportif, Akil Mamade, qui viendrait s’ajouter au changement de présidence à l’été et qui aurait précipité le départ de l’entraîneur, pas forcément prévu ni attendu : « Mon staff technique et moi avions déjà planifié la deuxième partie de saison, y compris le programme et les matchs de préparation, etc. Toutes les indications que nous avions allaient dans ce sens. Nous avions même debuté des discussions pour voir quelles ressources seraient disponibles afin de renforcer l’équipe. Cependant, quand l’idée de changements dans la direction sportive et au comité a commencé à devenir plus réelle, il était clair que cette situation allait probablement se produire. Ce n’était pas ma décision. Si j’ai accepté l’invitation du club au début de la saison, c’était avec la conscience que ce serait une saison de transition, très difficile, avec beaucoup de limitations (financières, sportives, etc.), mais j’ai toujours cru que nous pouvions mener le bateau jusqu’à la fin. »
Une année de transition assumée par Laurent Libert, alors directeur sportif de l’UTP que nous avions interrogé il y a quatre mois. Transition économique, sportive, mais aussi… administrative, avec un club sans tête. Filipe Ribeiro confirme : « Quand je suis arrivé, Barbara Agostino n’était déjà plus au club. À mon arrivée, il y a eu deux ou trois vice-présidents, mais pas de président. Je tiens à souligner qu’il y a des gens dans la direction du club qui se dévouent vraiment pour le club, qui travaillent dur et qui, dès le début de la saison, cherchaient un président et des solutions pour sauver cette saison et la situation critique et urgente du club. Chapeau à eux. Il faut toujours valoriser le travail de ces gens, peu importe dans quel club. En réalité, la direction n’a pas changé. Les membres en place au début de la saison restent, mais ce nouveau vice-président est arrivé pour soutenir financièrement le club, accompagné d’un nouveau general manager / directeur sportif. »
Si évidemment, le coach Ribeiro insiste pour remercier le club de lui avoir donné l’opportunité de travailler avec son groupe de joueurs auquel il tait très attaché, il n’en est pas moins lucide et entend rebondir. Après tout, le club vient gentiment de le remercier…
« Mon objectif, dès le début, malgré toutes les difficultés, les limitations sportives et financières, et les adversités, était de construire une équipe avec une identité, une philosophie dominante et offensive. Convaincre les joueurs de notre vision et idée, construire une équipe compétitive pour chaque match. Je suis fier de dire qu’on l’a réussi, tous ensemble ! Je pense que nos adversaires peuvent le confirmer. Cependant, je peux dire que j’ai un sentiment mitigé. De l’amertume, car je sentais que nous pouvions aller jusqu’au bout du processus ensemble. Mais aussi de la tranquillité, car je sais que la situation critique du club peut maintenant s’améliorer un peu, et que, en principe, les joueurs seront « assurés » jusqu’à la fin de la saison.
Dans le football, le mot « projet » est subjectif. Le foot, ce sont des résultats. Ma passion c’est l’entraînement, convaincre les joueurs qu’il est toujours possible de jouer mieux, de progresser, de prendre du plaisir et de maximiser leur potentiel. Ceux qui ont vu Pétange jouer cette saison, ceux qui ont joué contre Pétange cette saison, savent que malgré les limites, c’était une équipe courageuse, humble, qui prend du plaisir, avec de la personnalité et de la qualité. Je connais parfaitement la BGL, les équipes, les joueurs, donc je me sens parfaitement capable et préparé pour diriger n’importe quelle équipe de ce championnat, quels que soient les objectifs. D’où je viens, la peur et la pression n’ont été jamais une option. »
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