Alors que la course au tout dématérialisé bat son plein et que des services de jeu par abonnement comme le Xbox Game Pass n’en finissent plus de convertir des millions de joueurs, certains irréductibles continuent de croire en un monde où le jeu vidéo au format physique n’est pas condamné à disparaître. Parmi les adeptes de la cartouche et des belles éditions collector, il y a les Français de Red Art Games, qui viennent tout juste d’ouvrir un studio de production dans la grande région. Curieux de savoir ce qui motive ces fans du jeu en boîte en 2022, nous nous sommes rendus à Metz à la rencontre de Jérôme Labbé, CTO, qui a rejoint le jeune éditeur en 2021.
Noob ! : Pouvez-vous présenter Red Art Games et ses activités aux lectrices et lecteurs de Noob ! ?
Jérôme Labbé : Il s’agit d’une société parisienne créée en 2017, qui a pour but de faire des éditions dites « physiques », donc en boîte, comme on peut en trouver en cartouche ou en disque de jeux dans les magasins, et qui jusque-là n’avaient pas eu cette chance. Ce sont souvent des plus petits jeux, indépendants – mais pas seulement – qui ne sont donc sortis qu’en digital sur les stores des consoles Nintendo, Microsoft et Sony. Pour accompagner certains titres, on peut aller jusqu’à créer des éditions plus collector en ajoutant la bande originale sur CD ou encore des artbooks et des posters.
Noob ! : C’est un peu comme donner une seconde vie au jeu ?
J.L. : Oui, un peu, mais on s’adresse surtout à des collectionneurs qui aiment l’objet ainsi qu’à un public qui peut craindre de perdre les jeux à la fermeture des stores, comme c’est déjà arrivé avec les stores 3DS, Wii U et PSP. Ça rassure un peu de savoir que l’on peut avoir accès à son jeu même plusieurs années après la fin de vie d’une console.
Noob ! : Vous évoquez des versions consoles de vos jeux, sur quelles machines sont-ils disponibles ?
J.L. : Les consoles du moment… sauf une. Nous avons fait de la PS Vita jusqu’à ce qu’il ne soit plus possible d’en produire, et actuellement nous proposons des titres PS4, PS5 et Switch. Nous ne faisons pas de jeux Xbox, car nous fonctionnons sur un système de production en quantité limitée, et Microsoft impose des commandes très élevées pour le moment. Si un jour ça change, nous serions ravis de proposer des jeux sur Xbox One ou Xbox Series.
Noob ! : On sent un amour pour la 2D et les pixels. Avez-vous une ligne éditoriale ?
J.L. : Ce qui est sûr, c’est que l’époque 8, 16 et 32 bits est dans l’ADN de la société. On aime le pixel art, les styles classiques 2D comme les Metroidvania ou les plate-former nous intéressent beaucoup. Notre catalogue propose avant tout ce type de jeux, mais de temps en temps, on peut avoir un coup de cœur pour un titre radicalement différent. Nous ne sommes pas fermés.
Noob ! : Avez-vous une personne dédiée à la recherche de jeux à adapter ?
J.L. : Tout à fait ; à Paris, il y a Michel qui s’occupe d’écumer les différents stores à la recherche de jeux qui ne sont parfois même pas encore terminés. Pour trouver de bons titres, il faut être très réactif et rapidement aller à la rencontre des développeurs pour leur proposer de travailler avec nous dans la création d’une version physique du jeu. Par exemple sur Gunborg, que nous venons de sortir, nous sommes tombés sous le charme via une démo, et le jeu n’était même pas prévu sur console. Nous avons donc proposé au créateur du titre de réaliser nous-mêmes l’adaptation sur d’autres plateformes et de créer la version physique. C’est un nouveau service que nous proposons depuis l’ouverture de nos bureaux à Metz, qui permet à des jeux jusqu’à maintenant exclusifs aux PC de s’ouvrir au marché des consoles.
Noob ! : À Metz, vous êtes donc en charge de la partie développement de Red Art Games ?
J.L. : C’est exactement ça. Maintenant, en plus de proposer des versions physiques, nous sommes aussi capables de proposer un vrai service d’adaptation pour que les jeux soient disponibles partout.
Noob ! : Combien êtes-vous maintenant, à Metz ?
J.L. : Nous sommes trois pour le moment, bientôt quatre. Deux développeurs, Vincent et moi-même, qui travaillons sur les portages consoles, et Lucas, qui est dédié au test (QA) des jeux afin d’être certain de proposer une version vraiment bien finie qui n’aura pas besoin d’être patchée via une mise à jour.
Noob ! : Comment se passe le travail d’adaptation vers les consoles ? Vous êtes proches des développeurs originaux ?
J.L. : Il faut toujours respecter l’œuvre originale, mais il nous est déjà arrivé de faire des propositions soit pour améliorer l’expérience de jeu, soit pour ajouter du contenu sur un titre déjà disponible depuis quelque temps sur PC. Nous ne faisons rien sans la validation des créateurs originaux.
Noob ! : Vous avez plus d’une centaine de jeux dans votre collection, dont des français à l’image de Double Kick Heroes et même luxembourgeois comme Sigi ; avez-vous une volonté de mettre en avant le jeu vidéo francophone ?
J.L. : Nous avons, pour être précis, deux jeux du développeur luxembourgeois, Sigi et Sir Lovelot. Ils sont d’ailleurs en langue luxembourgeoise. Vis-à-vis de la langue, c’est assez naturel de se diriger vers le jeu vidéo francophone, mais on travaille avec des gens du monde entier, dont le Japon récemment, ce qui est une première pour nous.
Noob ! : Je rebondis sur votre collaboration avec un studio japonais, votre version de Record of Lodoss War a beaucoup fait parler d’elle et s’est même vendue chez Micromania en France. Une étape a-t-elle été franchie ?
J.L. : Complètement, et c’est notre premier jeu qui n’est pas en tirage limité. Nous avons signé cette grosse franchise, donc nous voulions toucher un public plus large. Le jeu est distribué dans toute l’Europe et pour la première fois, nous avons aussi créé avec Lodoss une version physique adaptée au marché américain. Nous sommes vraiment fiers de ça, et je peux vous dire qu’on en proposera d’autres.
Noob ! : Le succès de cette édition vous a-t-il ouvert de nouvelles portes ?
J.L. : Oui, plus spécifiquement au Japon, qui n’est pas un marché facile à approcher. Comme nous avons démontré que nous étions capables de gérer une plus grosse sortie, certains studios sont maintenant à l’écoute, et par exemple, nous venons d’annoncer relayerun projet un peu similaire que nous n’aurions sûrement pas obtenu sans la concrétisation et la réussite de Record of Lodoss War.
Noob ! : Comment arrivez-vous à déterminer le nombre de copies que vous allez créer pour vos jeux ?
J.L. : C’est grâce à l’expertise de Michael Binkowski, le créateur de Red Art Games. Il a travaillé dans le retail pendant des années dans la boutique Trader à Paris, et il a une bonne intuition. Nous avons un nombre de copies minimum à commander, mais parfois, il sent le potentiel d’un jeu donc on va proposer plus d’exemplaires sur notre site, ou n’avoir aucune limite, comme nous l’avons fait avec La Guerre de Lodoss dernièrement.
Noob ! : Nouveau studio de développement à Metz, sûrement de nouveaux développeurs bientôt, y a-t-il une chance de voir un jour un jeu entièrement développé et distribué parRed Art Games ?
J.L. : Tout à fait, c’est exactement l’étape d’après, et ça sera depuis ce studio à Metz qui rassemble la partie technique. Nous avons vraiment l’ambition de créer et de proposer nos propres jeux dans un futur assez proche. Quand nous avons annoncé la création de la partie développement, c’était vraiment avec la volonté de faire nos propres productions.
Noob ! : Et quel type de jeux aimeriez-vous développer ?
J.L. : On serait dans le style qu’on aime chez Red Art Games. Pourquoi ne pas commencer par la suite d’un jeu qui a marqué l’époque Super Nintendo ou Megadrive… Nous sommes aussi très fans des remakes d’anciens jeux proposés récemment, comme Wonder Boy ou Alex Kidd qui offrent des graphismes 2D absolument magnifiques sur les nouvelles consoles. On s’orienterait sans doute sur ce type de production.
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