Aout 1993, il fait beau dehors. Malgré le soleil d’été, le jeune Mathieu est enfermé chez lui avec quelques amis. Si à l’extérieur tout est calme, ça s’agite beaucoup autour du petit écran cathodique qui diffuse sans relâche les images de Super Mario Kart dernier jeu à la mode sur la dernière machine de Nintendo. Les courses s’enchainent, tout le monde s’amuse mais alors que la ligne d’arrivée se rapproche, la tension monte d’un cran. C’est au dernier virage que le drame s’est produit. Alors que tout se passait bien pour Mathieu – qui commençait à se la raconter un peu – il entend le pire arriver derrière lui… la carapace rouge ! Là, tout s’enchaine, il se fait d’abord doubler puis glisse sur une peau de banane et fini tant bien que mal par finir cette fichue course à la dernière place. La suite vous la connaissez, blessé dans son amour propre, le jeune homme va s’emporter en hurlant à l’injustice mais dans Super Mario Kart, ce sont les carapaces rouges qui ont toujours le dernier mot.
Si vous étiez bambin dans les années 90 et que vous avez fait quelques tours de piste sur ce jeu mythique, vous avez surement déjà vécu ce genre d’histoire. Oui Super Mario Kart est le genre de jeu qui peut mettre à mal une longue amitié mais quelle claque, quelle tour de force de la part de Nintendo. Pourtant si tout semble couler de source dans ce titre qui lança un genre, sa conception n’a pas vraiment été une partie de plaisir. Avant tout, il faut savoir que nous avons très longtemps attribué la paternité de la série Mario Kart à Shigeru Miyamoto, or si ce grand monsieur est bien à l’origine du plombier moustachu il n’a rien à voir avec le jeu de course qui va le mettre en scène. C’est en effet Hideki Konno et Tadashi Sugiyama qui vont concevoir cette nouvelle licence pendant que Miyamoto lui occupera la place de producteur. De son propre aveu il indiquera dans de nombreuses interviews n’avoir joué qu’un rôle d’observateur pendant la création du jeu.
C’est à la fin de l’année 1990 que le développement du jeu va débuter pour une sortie callée au milieu de l’année 1992. Après la conception de F-Zero, Nintendo souhaitait une approche différente et surtout permettre cette fois à deux personnes de s’affronter ensemble en même temps. Impossible de proposer un jeu aussi rapide que F-Zero avec un écran scindé en deux donc les équipes vont réfléchir à un concept de jeu de course plus lent. Après avoir pensé aux courses de rallye, c’est vers le karting considéré comme plus conviviale que les développeurs vont se tourner. Voilà ce qu’indiquait Sugiyama dans une interview japonaise en 1992 :
« Au début du développement, nous faisions quelques recherches en achetant des guides du genre “introduction au karting“ ou bien en regardant des vidéos de concours de dérapage. »
Certains de partir dans la bonne direction les deux hommes vont rapidement demander à Shigeru Miyamoto de se rendre sur une véritable piste de karting afin de continuer leurs recherches. Amusé, celui-ci leur indiquera que l’équipe de F-zero n’a jamais eu besoin de piloter des F1 pour concevoir le jeu mais les Konno et Sugiyama vont insister jusqu’à faire craquer le papa de Mario. Après des jours à arpenter les pistes du parc de loisir Nemu No Sato (qui inspirera un circuit du jeu) au printemps 1991, l’équipe en est sûr ils vont développer un jeu de kart pour la Super Nintendo. Plus le projet avance et moins il ressemble à un jeu de course traditionnel. Essayant de proposer le jeu le plus fun possible, Nintendo va se focaliser sur la convivialité pour son nouveau jeu et va supprimer des éléments inutiles comme le compteur de vitesse qui non seulement est inutile pour un kart qui ne roule qu’à 80 km/h mais qui prend aussi de la place sur l’écran des joueurs. Le titre doit être un défouloir entre amis ce qui dirigera les équipes vers l’élaboration d’un mode battle en plus des courses classiques.
« Le mode battle a rapidement été programmé et rendu jouable. Mais en l’état il était sans intérêt. On disposait juste d’une aire de jeu sans obstacles et les deux joueurs se contentaient de rouler indéfiniment en espérant pouvoir toucher leur rival. Au début, on avait doté les véhicules d’ersatz de mitraillettes avec lesquelles on tirait des belles et dès que nous touchions l’adversaires on marquait un point. Comme l’arène était vide, sans obstacle, on n’arrêtait pas de tourner en rond et, au bout de cinq minutes nous avions le tournis » raconte Hideki Konno en rigolant.
À ce moment du développement, il est important d’indiquer qu’il n’était pas encore question que le jeu propose de contrôler des karts pilotés par Mario et ses comparses. Au départ, les personnages étaient des mécanos habillés en salopette avec un énorme casque sur la tête. La superstar de Nintendo n’arrivera dans l’équation que quelques mois plus tard, au moment où ce futur classique allait vraiment se diriger vers un jeu de course. Jugeant qu’il serait bien plus amusant de voir débouler un personnage comme Mario en sens inverse sur un circuit serait bien plus amusant… et on ne va pas leur donner tort. Afin de donner un peu de piment à tout ça, l’équipe va donc aussi mettre en place les fameux bonus/items mais si aujourd’hui il est normal de sa lancer des carapaces dans la tronche en pleine course tout en sa foutant de la tronche de nos potes, il faut savoir qu’au départ leur utilisation n’était prévue que dans le mode battle par peur des réactions. Pendant un moment les équipes de développement se demandaient comment allaient réagir les joueurs si ce n’est pas uniquement leur talent de pilote qui va définir leur classement à l’arrivée ? Heureusement, la bonne décision a été prise !
« L’obtention d’items fortes repose en partie sur la chance. Et l’on s’est donc posé la question de savoir comment réagiraient les joueurs assidus de F-Zero si un adversaire moins bon qu’eux parvenait à les battre seulement parce qu’il a eu de la chance au tirage. Jamais ils ne le tolèreraient ! Voilà pourquoi au départ, dans le mode Grand Prix de Super Mario Kart, on avait décidé un peu par dépit, de proposer aux joueurs deux types de championnats : avec ou sans items. Mais l’équilibre des forces et les probabilités d’apparitions des items ont petit à petit étés améliorés, si bien que même en perdant les utilisateurs n’étaient pas frustrés. Nous avons aussi vite compris que pour un joueur médiocre, parvenir à gagner in extremis contre quelqu’un de bon était motivant ! Bref, on a finalement décidé de ne plus laisser le choix et d’imposer les items même dans les Grand Prix en multijoueur. » Hideki Konno
Si nous avons déjà évoqué la fameuse mitraillette un peu plus haut, ajoutons qu’avant les peaux de bananes que nous connaissons bien ce sont des bidons d’huile qui étaient utilisées dans les premières versions du jeu. Avec la mise en place des items dans le jeu, Nintendo confirme sa volonté de proposer une expérience différente qui ne reposerait pas que sur la vitesse et le pilotage. La tension s’installe aussi dans les parties et même un joueur expérimenté flippe à l’idée de se prendre une carapace rouge alors que tout se passe bien pour lui jusqu’à maintenant. Une idée de génie qui va secouer et influencer le monde du jeu vidéo lors de la sortie de ce classique qui va rapidement devenir l’un des jeux les plus appréciés de l’histoire de Nintendo. Au Japon, il est le titre le plus vendu de la Super Nintendo avec 3,82 millions d’unités écoulées et au total c’est 8,7 millions de Super Mario Kart qui seront vendus dans le monde ce qui ferait de lui la quatrième meilleure vente de la console d’après le site vgchartz.com ! Pas mal non ?
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