Le président de la Fédération luxembourgeoise de handball s’est livré dans un long entretien sur la situation du handball luxembourgeois. Ses clubs, sa sélection nationale et son bilan à la tête de l’institution, Romain Schockmel n’a éludé aucun sujet.
Quelle analyse faites-vous du handball luxembourgeois à l’heure actuelle et de la saison qui touche à sa fin ?
Au niveau de la fédération dans sa globalité, on est assez contents de cette saison qui est a maintenu le suspense jusqu’au dernier jour, que ce soit en championnat ou pour la finale de la Coupe, qui a été extrêmement serrée. C’est ce que l’on souhaite tous les ans pour les joueurs, les clubs et les spectateurs. En ce qui concerne les équipes nationales hommes et femmes, l’évolution est positive, même si on envisageait d’autres résultats. Mais on va prendre les dispositions nécessaires pour retomber sur nos pattes.
Le fait de voir trop peu souvent un club luxembourgeois aller plus loin en Coupe d’Europe est-il une déception ou quelque chose de normal ?
La déception est surtout au niveau des clubs qui se sont investis pour aller le plus loin possible. Refaire le parcours que le Handball Esch avait fait en 2012 ou 2013, c’est le souhait de chaque club qui participe. D’autres ont franchi des tours. Voyant que sur la scène internationale, le niveau devient de plus en plus performant et professionnel, c’est dans ce sens-là qu’au Luxembourg on doit revoir sur quelle base on va intervenir pour nous améliorer dans ce genre de compétitions.
Par quoi cela passe-t-il ?
C’est multifactoriel. Au Luxembourg, en tant que petit pays, on ne peut pas se permettre de faire comme en France ou en Allemagne. Donc la première chose que l’on va faire – et c’est un des projets que l’on va bientôt présenter – c’est définir un groupe d’entraîneurs qui interviendra au niveau des jeunes pour instaurer une certaine philosophie de handball afin d’obtenir de meilleurs résultats. Si tous les clubs le font, on évoluera déjà au niveau national.
Ensuite, un autre facteur est que nous sommes arrivés au bout de ce que peut apporter le bénévolat. Dans certains clubs, si l’une ou l’autre personne se retire, ça va poser des problèmes d’organisation, et ce même dans ceux qui jouent les premières places. Pour moi, on va devoir créer une rupture. Au niveau politique et institutionnel, tout le monde se pose les mêmes questions et on espère pouvoir changer cela et amener une intervention financière pour récompenser les efforts des bénévoles dans les clubs. Ça amènera une stabilité pour recruter d’autres personnes.
La troisième chose, ce sont les congés sportifs pour les joueurs. On devrait pouvoir allonger ou revoir les disponibilités des joueurs et des accompagnants. Si vous avez deux ou trois déplacements en Coupe d’Europe, certaines personnes vont devoir prendre tous leurs congés pour y participer. C’est quelque chose qui est vraiment à revoir.
En termes de formation, êtes-vous dans la même stratégie que la FLF, c’est-à-dire envoyer plus de joueurs dans des clubs professionnels étrangers pour améliorer la sélection ?
Il faut une philosophie qui soit adaptée sur mesure au Luxembourg. En Belgique ou aux Pays-Bas, il est clair que beaucoup de joueurs jouent à l’étranger. Ici, on se pose la question du moment où il faut les envoyer à l’étranger. Au Luxembourg, il y a deux avantages. On a une institution qui offre un niveau scolaire élevé où l’on pratique du sport et où la formation est plus poussée. Les distances ne sont en aucun cas un obstacle. À l’étranger, on a des matchs très serrés chaque week-end et il y a une demande d’effort qu’il n’y a pas au Luxembourg. Ici, ils ont seulement un ou deux matchs par saison où les efforts sont beaucoup plus poussés. Pour changer cela, on travaille sur une solution interrégionale avec nos voisins belges ou français afin de créer un plateau de compétition beaucoup plus serré et plus performant que celui que l’on peut voir actuellement dans les sections jeunes, que ce soit masculines ou féminines. Si on se trouve en catégorie U14 dans laquelle on n’a pas assez d’équipes pour faire un championnat, on va créer des équipes régionales et demander à la communauté européenne des subventions pour faire une compétition avec nos voisins. C’est une piste que l’on étudie.
Comment l’idée d’un retour d’un championnat Benelux est-elle revenue sur la table il y a plusieurs semaines ?
Il y a la version officielle et ce qu’il se passe derrière, dans les coulisses. Concernant notre participation au Championnat du Benelux, il y a quelques années, pour des raisons relationnelles et de charges demandées aux clubs qui y participaient, on a arrêté d’y prendre part. On a laissé la Belgique et les Pays-Bas jouer entre eux, et c’est devenu professionnel.
Certaines personnes qui ont vécu cette époque du Benelux sont assez sceptiques. Quand les Néerlandais et les Belges sont revenus vers nous pour y participer, on n’a pas écarté d’office cette possibilité, on l’a étudiée. Mais renoncer au championnat luxembourgeois et engager une charge financière, humaine et organisationnelle conséquente pour les clubs, c’était trop compliqué. Et avec le bénévolat et le congé sportif quasi inexistant, c’est mission impossible. Cependant, on garde le contact avec la Belgique et les Pays-Bas, mais on cherche une solution viable pour les clubs luxembourgeois. On réfléchit à un tournoi du Benelux qui garderait le calendrier du championnat, et où il y aurait un soutien financier pour les clubs qui veulent s’investir.
Quel bilan faites-vous de l’ère Malesevic à la tête de la sélection ?
J’apprécie Nikola, qui est un excellent entraîneur. Sa vision a beaucoup apporté au handball luxembourgeois. Mais partout dans le monde, quand on exerce le métier de sélectionneur national, on attend des résultats, et ils ont été partiellement atteints les années précédentes. On a remarqué que par rapport aux investissements mis en place, on n’arrivait pas à passer le cap de cette frontière entre préqualifications et tableau principal. On a été deux fois tout proche et on a échoué. Je suis le premier à dire que ce n’est pas la faute de Nikola, mais on arrivait à une situation sans issue.
On pourrait trouver ça dur, tant les adversaires du Luxembourg étaient tous meilleurs sur le papier lors de ces éliminatoires…
Oui, mais alors il faut se poser la question de nos ambitions. Où veut-on arriver ? Doit-on accepter qu’une nation comme les îles Féroé participe au tableau principal et pas nous ? On peut dire qu’ils sont tous meilleurs, mais si on ne change rien, on n’évoluera pas. Ça a été discuté avec les joueurs. Si on veut un projet ambitieux, il faut changer quelque chose. Donc il faut revoir la manière. Quand on perd contre le Portugal, personne ne nous le reproche. Mais quand on regarde la manière, c’est différent. Tous ces joueurs savent jouer au handball et ont un niveau au-dessus de la moyenne, mais quand on voit le terrain, on ne le constate pas toujours. Donc soit on accepte cette situation et on ne progresse pas, soit on la revoit dès le départ et on prend des décisions. Pour nous, il est clair que l’on veut atterrir dans le tableau principal. Chez les dames, c’est pareil.
Quels sont les objectifs, aujourd’hui et dans le futur, de la sélection nationale ?
L’année prochaine, il y aura l’élection du conseil d’administration. Il faut voir si les clubs vont nous redonner la confiance nécessaire pour réorganiser le championnat et mettre en place un environnement qui permettra d’évoluer. Nous, on ne joue pas sur le terrain, on donne les moyens pour y arriver. Si les joueurs ne prennent pas en compte qu’il faut se surpasser pour y arriver, on devra accepter cette situation. On ne peut pas les forcer à sacrifier leur vie pour le handball. Il y a un renouvellement actuellement et je pense qu’ils veulent se battre. Et si j’entends ce message chez les joueurs et les joueuses, nous aussi, nous serons motivés pour nous surpasser et y arriver.
Cela fait 7 ans que vous êtes à la tête de la fédération. Y a-t-il quelque chose qui vous motive toujours plus ?
À chaque fois que l’on me pose cette question, c’est très clair. Dans notre organigramme, il y a le président, le secrétaire, le trésorier et bien d’autres personnes qui s’investissent à fond dans le projet. Le jour où ce ne sera plus le cas, on ne pourra plus gérer le handball de la meilleure des façons. Si je sens que l’équipe est toujours motivée et toujours prête à s’investir plus, la motivation sera là pour moi. Aussi longtemps que les clubs me donneront confiance, je redonnerai ma candidature. Si je n’arrive pas à les convaincre, j’en tirerai les conséquences et ferai en sorte que la volonté des clubs soit respectée.
À votre arrivée, la situation financière de la FLH était assez difficile. Qu’en est-il aujourd’hui ?
On a arrêté l’hémorragie et ça nous a donné de l’air. Malheureusement, le covid a bouleversé les finances de beaucoup de fédérations et nous n’avons pas été épargnés. Mais il faut dire que le ministère a bien réagi et c’est bien qu’il ait apporté un soutien financier aux fédérations. La plupart des sponsors sont restés, et d’autres arrivent. On aimerait forcément plus de rentrées d’argent pour pouvoir investir dans la jeunesse, mais je suis très optimiste. Les dettes, elles, sont payées.
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