En football, il existe différentes manières de mesurer le succès. Il y a les titres, bien sûr : sur ce plan, le Bayern Munich est injouable en Bundesliga depuis une décennie. Mais il y a aussi une autre forme de réussite qui consiste à réaliser de très bons résultats, bien au-delà de ce que la situation financière permet. Et à ce jeu-là, le SC Fribourg est clairement l’un des meilleurs, dépassant sans cesse les attentes.
S’il est difficile de connaître la puissance financière des clubs de Bundesliga, les dirigeants refusant de communiquer clairement sur le sujet, il est cependant possible de se faire une idée de la taille du SC Fribourg : avec une masse salariale estimée à 53 millions d’euros à la fin de l’exercice 2020-21, le club de la Forêt-Noire fait partie des Petits Poucets du championnat allemand. À titre de comparaison, le RB Leipzig a dépensé 168 millions en salaires lors de la période ; Dortmund, 215. Quant à l’intouchable Bayern Munich, sa masse salariale est de 373 millions. Sans parler des sommes investies dans les transferts, qui sont très variables d’un club à l’autre et ne suivent pas le même processus. Leipzig peut s’appuyer sur la puissance financière de Red Bull pour aller chercher tel ou tel talent, là où Fribourg est obligé de vendre pour pouvoir acheter ensuite. Alors, quand on n’a pas de pétrole, il faut avoir des idées pour survivre dans l’une des cinq plus grandes ligues européennes.
Un ancrage local très fort
C’est pour cette raison que le SC Fribourg a misé sur deux facteurs : l’identification et la stabilité. Ici, les principaux sponsors ne s’appellent pas Audi, Volkswagen ou Telekom, mais Schwarzwaldmilch (entreprise de produits laitiers), Rothaus (brasserie) ou encore Europa-Park (parc d’attractions). Soit des entreprises locales qui ont un certain rayonnement dans tout le pays. Ce qui a pour conséquence de créer un ancrage local, dans lequel les fans se reconnaissent.
L’identification est aussi perceptible dans l’organigramme du club : la plupart des employés viennent de Fribourg et de la région, et certains font désormais partie des meubles. Directeur sportif depuis 2013, Jochen Saier est au club depuis 20 ans ; responsable des finances, Oliver Leki est directeur exécutif du SC Fribourg depuis 2013 ; quant au plus célèbre d’entre eux, Christian Streich, il travaille en coulisse depuis 1995, tantôt en tant qu’entraîneur des U19 (1995-2011), tantôt comme adjoint, avant finalement de prendre les rênes de l’équipe première en janvier 2012.
Un coup d’avance
Depuis qu’il dirige les pros, Christian Streich a connu de nombreuses difficultés : la lutte contre la relégation, la descente, les joueurs qui partent vers d’autres horizons… Cela ne l’a pas empêché de s’adapter avec succès à chaque fois. Quand un joueur très convoité quitte le club, c’est non seulement parce que la somme est suffisamment intéressante pour ne pas la refuser, mais aussi parce que Streich et ses dirigeants ont déjà une solution de rechange. Admir Mehmedi part à Leverkusen pour 8 millions d’euros ? Son remplaçant est Vincenzo Grifo, débusqué à Hoffenheim pour un million. Nico Schlotterbeck signe à Dortmund pour 20 millions ? Il est remplacé par Matthias Ginter, en fin de contrat du côté de Gladbach.
Les cas de Grifo et de Ginter sont assez parlants : ils sont allés voir ailleurs, mais ont fini par revenir. La raison est simple : ils sont épanouis à Fribourg, ville la plus ensoleillée d’Allemagne, sous les ordres d’un coach qui connaît parfaitement leur profil en tant que joueurs, mais aussi en tant que personnes. De fait, ces joueurs sont prêts à tout donner pour leur entraîneur qui, les années passant, a perfectionné le style de jeu de son équipe, fait – en gros – de stabilité défensive, de jeu de transition et de frappes au but de plus en plus rapides. Pour des résultats vraiment probants : septième en 2016-17 (l’année de la montée), Fribourg a lutté pour ne pas descendre avant de se faire une petite place parmi les grands, tenant aujourd’hui la dragée haute aux plus grosses écuries du championnat.
En étant constamment obligé de se réinventer, le SC Fribourg a appris à ne pas avoir peur de l’avenir. Un futur qui a pour scène l’Europa-Park Stadion, inauguré en octobre 2021, et dans lequel les Breisgau-Brasilianerse sentent déjà comme chez eux. Et s’ils ignorent de quoi demain sera fait, Streich et consorts savent déjà qu’ils ont réussi car, comme l’a dit Fritz Keller, ancien président du club et de la DFB (la fédération allemande de football) à Sky, Fribourg compte en son sein des personnes « qui pensent à demain, voire déjà à après-demain ». À défaut d’avoir les fonds, autant avoir un coup d’avance.
Ali Farhat
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