Le Programme National Thérapeutique Sport-Santé l’assène sans détour : l’inactivité physique est l’une des premières causes de décès dans le monde et l’un des facteurs de risque les plus importants des affections de longue durée. Les statistiques semblent leur donner raison. État des lieux et pistes gouvernementales.
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) fait un constat sans appel : « La sédentarité représente l’un des principaux facteurs de risque de mortalité liée aux maladies non transmissibles. Les personnes ayant une activité physique insuffisante ont un risque de décès majoré de 20 % à 30 % par rapport à celles qui sont suffisamment actives. » D’après les « Statistiques des causes de décès au Luxembourg pour l’année 2022 » édités par la Direction de la Santé fin 2023, force est de vérifier que 25,8% des décès sont liés à des maladies de l’appareil circulatoire, parfois évitables par l’adoption d’une bonne hygiène de vie et un renforcement de tout l’appareil cardio-vasculaire par une activité physique.
L’accord de coalition 2023-2028 du gouvernement « Lëtzebuerg fir d’Zukunft stäerken » rappelle que « les conséquences de [l’]inactivité sont une augmentation des hospitalisations, des visites médicales et des maladies comme par exemple les maladies coronariennes et certains types de cancer ou encore des maladies mentales », ce qui représente un coût économique « considérable, avec des estimations de plusieurs millions d’euros en termes de coûts de soins de santé et de pertes de productivité du travail. »
Les chiffres du surpoids en hausse
Si l’on s’intéresse par exemple à l’obésité, reconnue par l’OMS comme une maladie chronique multi-factorielle et complexe, les influences sociales et environnementales ne sont plus à prouver. Et le phénomène s’est amplifié ces dernières années. Le Ministère de la santé et de la sécurité sociale précise que selon l’enquête sur la santé des résidents (European Health Interview Survey – EHIS) menée au Luxembourg en 2019, la proportion d’adultes obèses a augmenté de 15,6% à 16,5% en 5 ans. En 2019, le taux d’obésité chez les hommes (18,4%) était plus élevé que chez les femmes (14,6%). Le surpoids touche 40% des hommes et 24% des femmes au Grand-Duché de Luxembourg soit près de 207.000 personnes ou un tiers de la population. L’étude intitulée « Health Behaviour in School-Aged Children » de 2022 révèle quant à elle que le surpoids et l’obésité chez les jeunes de 11 à 18 ans au Luxembourg représentent 21%, en augmentation de 2% par rapport à 2018.
Résidents du Grand-Duché | Taux de population en surpoids | Taux d’obésité |
Hommes1 | 40 % | 18,4 % |
Femmes1 | 24 % | 14,6 % |
Adultes1 | 32 % | 16,5 % |
Enfants (11-18 ans)2 | 21 % |
Le milieu socio-économique joue certes un rôle non négligeable (d’après le premier rapport de l’Observatoire national de la santé publié en janvier dernier et intitulé « Eng gesond Zukunft », le taux de surpoids au Luxembourg chez les enfants de 11 à 12 ans provenant de milieux socio-économiques moins favorisés est de 24%, comparativement à 18% chez leurs pairs issus de milieux plus aisés), mais l’un des facteurs aggravants récurrents de l’obésité reste le manque d’activité physique et notre mode de vie sédentaire.
Manger bien, Bouger plus.
Il s’agit donc de promouvoir la santé par l’adoption de modes de vie plus sains, comme une alimentation équilibrée mais aussi une activité régulière. Le Luxembourg participe depuis 2015 à la Semaine européenne du sport en septembre, une initiative de la Commission européenne à laquelle le Ministère des sports s’est greffé avec son mois de septembre dédié aux activités sportives sous la bannière #BeActive. Cette campagne se fait en parallèle du programme « Geson iessen Méi beweegen 2018-2025 » (GIMB) qui promeut non seulement l’activité sportive mais aussi toute forme de mouvement pour prévenir les risques de diabète de type 2, ostéoporose, maladies cardio-vasculaires et certaines formes de cancer, avec des effets positifs sur la santé mentale et les processus cognitifs. Pour aider chacun à y parvenir, le Ministère des sports sous la responsabilité de la Direction de la santé a publié une pyramide de l’activité physique :
D’après le rapport « Luxembourg – Physical activity factsheet » de 2021 édité par l’OMS dans le cadre de son Plan d’action mondial pour promouvoir l’activité physique 2018-2030 et son antenne de la Commission européenne, seuls 35% des adolescents, 43,4% des adultes et 36,2% des seniors au Grand-Duché ont une activité physique suffisante selon les recommandations (statistiques fondées sur les résultats des études de l’EHIS et le HBSAC). Depuis 2020, la Fédération Luxembourgeoise des Associations de Sport-Santé (FLASS) réfléchit même à l’éventualité de permettre aux professionnels de santé de prescrire une activité physique aux patients atteints de maladies chroniques. Une idée défendue dans la thèse de Médecine généraliste de Michael Worth en novembre 2022, qui souligne que « les praticiens de première ligne sont les mieux placés pour prodiguer des conseils concernant l’activité physique, du fait de leur proximité au patient et de la grande proportion de population qu’ils parviennent à atteindre », estimée entre 70 et 85%.
La sédentarité, ce mal du siècle
Mais le sport thérapeutique ne concerne pas uniquement les personnes souffrant de maladies chroniques. La sédentarité est le mal du XXIe siècle et implique la totalité de la population, c’est pourquoi le site sport-sante.lu soutenu par l’Œuvre Nationale de Secours Grande-Duchesse Charlotte s’est équipé d’un « Actimètre », baromètre destiné à évaluer ses habitudes en matière d’activité physique selon les critères recommandés : à savoir 3 heures par semaine d’intensité modérée (55 à 69% de la fréquence cardiaque maximale) à vigoureuse (70 à 89% de la FC max), du renforcement musculaire au moins 2 jours par semaine et des activités d’équilibre au moins trois jours par semaine. Un bon moyen pour se situer et se décider à mettre en place un rythme hebdomadaire afin d’atteindre les objectifs raisonnables fixés par l’OMS, pourtant loin d’être atteints et sans qu’on constate une quelconque amélioration.
Statistiques de Surveillance globale de l’activité physique3 | 2001 | 2016 | Progression sur 15 ans |
Niveau d’activité insuffisante dans les pays à revenu élevé | 31,6 % | 36,8 % | 16,5 % |
Niveau mondial d’activité physique insuffisante | 26 % | 26 % | 0 |
Les autorités du Grand-Duché ont bien pris la mesure de l’enjeu de santé publique de l’inactivité, mais après une année 2023 estimée par le STATEC (à l’occasion de la publication de la NDC 2-23) en récession avec une croissance négative de 1% et malgré des prévisions optimistes pour les deux années à venir, le projet de budget pour l’exercice 2024 déposé par le ministre des Finances le 6 mars à la Chambre est resté peu ambitieux : ni la santé, ni le sport n’ont été retenus comme « accents politiques » majeurs. Rien d’ailleurs dans le budget de la santé ne semble dédié à la promotion de l’activité physique tandis que la participation de l’État à la sécurité sociale s’accroit de 12%. L’augmentation du budget alloué au sport semble quant à lui anecdotique (4,87% soit 58,95 millions d’euros contre 56,21 en 2023 mais 74,37 en 2022). Certes, le document précise que « le Ministère des Sports agira en faveur d’un renforcement en ressources financières et humaines des clubs sportifs (…), animés à développer des programmes d’activité physique et de sports axés sur la promotion de la santé physique et mentale des participants de tous âges, promouvant ainsi la diversité, l’inclusion et l’égalité des chances », mais sans subsides de l’État en plein plan de relance économique, il y a fort à parier que les aspirations fortes du Ministre restent des voeux pieux pour les années à venir, ou ne comptent que sur les bonnes volontés du secteur associatif sportif.
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