Personnages emblématiques du football grand-ducal, ils sont dans la lumière ou dans l’ombre de leurs joueurs ou leur staff. Mais toutes et tous ils font le paysage du ballon rond au Luxembourg. 20 dirigeants et dirigeantes qui participent à la montée en puissance du sport le plus populaire de notre pays, et sur lesquels il faudra encore compter à l’avenir pour le faire entrer dans une nouvelle dimension.
Critères d’évaluation :
Identité
Il s’agit de la « culture club » ou « culture entreprise », prenant en compte le développement de la marque (nombre d’abonnés, histoire) la gestion financière du groupe, les investissements (économiques ou humains) et leurs retombées, et les idées véhiculées ou incarnées.
Rayonnement
National ou international, ce critère tient compte de la médiatisation, y compris la présence du club sur les réseaux sociaux, la publicité, et toutes les formes de déclinaisons de la marque (produits dérivés, équipes réserves, business club, évènements, partenariats, vente de billets, recrutement)
Performance saison 2023-2024
Sont évalués ici les résultats et perspectives d’atteinte des objectifs de l’équipe fanion, le nombre de licenciés et joueurs actifs (c’est-à-dire qui ont participé à au moins une rencontre depuis le début de la saison), ou encore la croissance. La longévité du dirigeant (durée d’activité au même endroit ou au même poste) est également un facteur pris en considération dans l’évaluation.
1er Fabrizio Bei – FC Differdange 03
L’homme d’affaires luxembourgeois natif de Gubbio est président du FC Differdange 03 depuis sa création en 2003, née de la fusion entre l’AS Differdange et les Red Boys, deux clubs pour lesquels il avait été joueur. À 57 ans et après plus de 20 ans à la tête du club de la Cité du Fer, Fabrizio Bei ne se satisfait jamais de ses réussites et veut toujours viser plus loin, même s’il pense déjà à la passation de pouvoir.
Fondé il y a seulement 20 ans, le FCD03 est déjà un grand club installé dans le paysage de la BGL Ligue. Européen à de nombreuses reprises avec deux tours de barrages en Ligue Europa, Differdange peut compter sur le soutien de la commune et de ses supporters, comme de ses infrastructures parmi les plus compétitives du pays, ce qui en fait le club avec le plus grand nombre de licenciés (1425), les meilleures affluences et surtout performances cette saison. L’équipe fanion est bien partie pour le titre, l’équipe futsal est sur le même chemin. Fabrizio Bei, son président depuis sa création, également membre de la LFL, est une personnalité explosive et passionnée qui a su s’encadrer d’une équipe jeune et compétente, avec des ambitions sportives mais aussi des projets concrets d’amélioration (comme une nouvelle tribune latérale couverte).
Vous disposez de très belles infrastructures, avec les meilleures affluences à l’heure actuelle et l’équipe fanion leader : quel est votre plus grande réussite ?
Le plus gros succès est collectif : avoir réussi la fusion entre deux clubs qui avaient une forte identité chacun et les avoir mené à créer une seule identité. Sportivement, forcément c’est le palmarès qui parle : j’ai eu la chance en tant que président de gagner 5 coupes, de terminer deux fois vice-champion, de jouer plus de 40 matchs en coupes d’Europe, d’arriver deux fois en play-offs… Pour l’anecdote, c’est nous qui avons inauguré l’ère qatarienne de Paris, quand nous avons reçu le PSG! En 20 ans, il y a tellement de choses à retenir et raconter, mais cette fusion reste la réussite d’un groupe de copains.
Quel était l’objectif du grand remaniement à l’intersaison ?
La volonté, c’était le changement de cap. Avec le comité directeur et le staff technique, on a voulu compléter le noyau qu’on avait déjà. Je suis un fan de Boca Juniors et de manière générale du football argentin, et on a eu la chance de rencontrer en Argentine un agent qui a fait venir un joueur, qui s’est plu donc a ramené un deuxième, puis trois… Ces joueurs ont apporté une certaine mentalité, différente de celle des Brésiliens, et cela a créé une harmonie. La mayonnaise a pris !
Leaders du championnat avec le titre en ligne de mire, tenant du titre en coupe et en lice pour les demi-finales, équipe Dames bien partie pour rester en Ligue 1, équipe futsal leader et vainqueur de coupe : comment gérer tous ces fronts simultanément ?
Le secret, c’est d’avoir des gens autour de moi, en qui j’ai confiance. Comme dans une équipe : je suis le boss, mais sans eux je ne suis pas grand chose. Toute décision est prise ensemble, même si parfois je dois trancher. Beaucoup de clubs ont des difficultés à recruter des dirigeants compétents. J’ai une chance énorme d’avoir quatre ou cinq garçons, differdangeois, nés ici, qui ont joué ici et qui vivent le club : mon bras-droit Marcel Baffa, Filipe, Umberto, Zeca, Remy… Comme tout le monde, j’ai fait des erreurs, mais j’ai sans doute aussi pris avec eux de bonnes décisions, sinon on n’en serait pas là aujourd’hui.
Vous avez une personnalité qui dénote dans le monde du football Grand-Ducal, avec une parole sans filtre et une attitude parfois provocatrice : vous en jouez parfois ?
Non ! Je suis entier. Même dans mon business je suis comme ça. Ça m’a coûté des fois, car je dis ce que je pense, tout en restant diplomate, en tout cas avec des bonnes manières. Mais j’ai horreur qu’on essaie de me manipuler, si on veut me faire croire n’importe quoi, je deviens une bête ! C’est vrai que je n’ai pas la langue de bois, avec les journalistes, les joueurs, les entraîneurs… J’ai des connaissances, même si je n’ai pas joué à niveau professionnel, mais je sais de quoi je parle et je crois avoir laissé un bon souvenir : même à Dudelange, les anciens supporters me saluent, et me taquinent un peu parce que je suis président adverse et que je perds souvent face à eux… Je sais que ma personnalité peut déranger, mais on ne peut pas me changer : ma mère m’a fait comme ça ! Et puis pour le football, ce n’est peut-être pas un mal. Tout le monde est dans la bienveillance, tout le monde fait semblant de s’aimer et s’embrasse. Moi, j’embrasse ceux que j’aime et que je respecte. Pour eux, je donne tout, corps et âme, et je veux que le respect soit réciproque. Mes joueurs le savent, mes entraîneurs le savent, je suis comme ça dans mon travail ou avec ma famille. Ce que je constate, c’est que souvent les gens s’embrassent parce qu’ils trouvent leur compte, en réfléchissant à leur propre intérêt. Je me souviens quant on jouait au Parc des Princes, il y avait toutes les stars de France 98 devant moi… J’ai allumé une cigarette, je me levais, je gueulais… Les autres me dévisageaient, mais Thuram se retourne, me regarde et sourit en disant : « Ah ça, c’est le président de Differdange ! Ça c’est un bon gars ! » Alors oui, des fois je dérange, mais c’est moi.
Pourtant, malgré cette personnalité, vous n’interférez pas dans les choix sur le terrain ?
J’ai eu en vingt ans plus de quinze coaches, avec des noms dont les palmarès sont les plus huppés. Je n’ai jamais parlé équipe avec un entraîneur. Je donne mon avis et j’aime ça, je suis un passionné ! Je ne suis pas seulement là pour payer les salaires à la fin du mois, si je fais ça, en ne gagnant pas d’argent, au contraire, c’est parce que c’est ma passion, c’est mon club. J’ai deux enfants, et mon troisième bébé c’est celui-là : c’est Differdange. Ça m’a coûté cher, ça fait 20 ans que je suis président, après avoir été joueur, c’est la plus grande longévité en BGL Ligue. Jamais je n’oserais dire à Pedro « pourquoi tu fais jouer celui-là ? ». Alors j’ai mon opinion, voir Artur ronger son frein sur le banc avec tout ce qu’on a sacrifié pour le faire venir, ça me fâche. Mais le coach a ses convictions… et il gagne !
Vous vous imaginez tenir un autre rôle que celui de président du FCD03, dans les instances du football luxembourgeois ?
Non, je vous arrête tout de suite. J’ai mes idées, je suis en train de préparer quelque chose. J’ai fait un parcours, qui n’est pas encore fini, mais à un moment donné il faut savoir donner, laisser la place, transmettre. Pour moi il est très important au cours des prochaines années de mettre le club sur de bons rails, et de préparer la passation. Même si je ferai toujours partie de ce club jusqu’à la fin de ma vie, je dois assurer ma succession. Une fois que quelqu’un de chez nous viendra apporter son expertise et pourra prendre cette place, je ne serai plus au comité, j’aurai d’autres affaires.
Cette saison est-elle plus éprouvante que les autres pour que vous pensiez à la passation ? Sans vouloir déjà vous chasser !
C’est peut-être moi qui me chasse… J’ai vécu tant de choses ici. Et vous savez, les victoires, ça dure 5 minutes. La première victoire en Coupe d’Europe, j’étais sous le choc. J’entendais les joueurs fêter dans le vestiaire, j’étais là abasourdi au bord du terrain. Un quart d’heure après avoir célébré, on passe à la suite. Mais les défaites… Combien de nuits ! Tromsø ! Ce qui me fait peur, alors qu’on est leader depuis la première journée, ce serait de tout perdre en une fraction de seconde. Pour moi ce serait dur, mais surtout pour les garçons. Depuis le retour de coupe d’Europe, ils donnent tout. C’est plus facile quand dans une saison tu as des hauts et des bas, et puis dans le sprint final tu peux espérer décrocher quelque chose. Ma plus grande peur, le pire, ce serait d’avoir été en tête depuis le début, et que mes joueurs n’aient pas ce qu’ils méritent. Après, si on gagne le titre, ce sera autre chose, oui. Pour la première victoire en coupe en 2010, c’était incroyable : stade plein, la chance aussi pour un père de fêter ça avec mon fils qui était sur le terrain et a délivré une passe décisive, c’est plus qu’une chance, c’est un rêve. Et ça, tu ne peux l’acheter.
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