C’est un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. Le trial, discipline vieille de 100 ans, a disparu du champ médiatique alors qu’au cœur des années 80, elle s’offrait volontiers une incursion dans les émissions sportives générales en Belgique, en France et bien sûr au Luxembourg qui fut un pôle d’attraction mondial.
Le rapport du Grand-Duché et de la moto remonte à bien plus loin encore avec un premier Grand Prix de motocross en 1948 à Schifflange. «Il y fut déjà question de trial réservé aux militaires», explique Romain Heckemanns, historien des sports mécaniques au pays.
Alors que Paul Ries, premier pilote luxembourgeois de trial, passe les frontière, les tentatives de structurer la discipline au Grand- Duché restent vaines. Il faut attendre l’aube des années 80 pour qu’une poignée de mordus portent sur les fonts baptismaux un premier championnat national. « En 1978 s’est tenu un trial artificiel à Hespérange puis deux ans plus tard, sous la houlette du Moto-Club Bonnevoie et avec l’appui des Belges d’Aywaille a eu lieu le premier trial à Warken », poursuit Romain Heckemanns.
Michaud, premier de cordée
Le point de chute idéal est trouvé. Le Trial-Club Warken voit le jour le 17 juillet 1981 au Café Kaell. La machine est en route et, chemin faisant, les idées fleurissent et élargissent le champ des possibles jusqu’à celle d’organiser une manche du Championnat du monde.
Le premier essai, en 1986, est manqué, faute d’avoir rentré à temps une demande de candidature. Le second est transformé un an plus tard. Il reste quelques centaines de jours au club pour préparer son rendez-vous avec le monde de la discipline en 1988.
L’année précédente est une répétition générale sans encore en avoir le titre. Le grand jour arrive le 17 avril 1988 avec 81 compétiteurs dont Marc Kosch, le seul pilote luxembourgeois à avoir disputé une épreuve du Championnat du monde.
La foule s’agglutine le long du parcours et admire le Français Thierry Michaud, vainqueur de l’épreuve. « C’est le Grand Prix le plus difficile de ma carrière», se souvient l’actuel directeur de la commission trial à la Fédération International de Motocyclisme (FIM). «Jamais un vainqueur n’avait accumulé autant de points », poursuit le Varois, rappelant au passage qu’il fallait en totaliser le moins possibles pour l’emporter.
«J’étais souvent en échec, mais je n’avais pas de vision générale de l’épreuve et je ne savais pas où en étaient mes concurrents.» La boue s’était invitée au menu des acrobates et plus le parcours devenait difficile, plus les meilleurs émergeaient. Michaud n’avait pas son pareil pour surmonter ces écueils. «L’année suivante, il faisait grand beau temps et je termine deuxième ou troisième», poursuit le triple champion du monde qui ne tarit pas d’éloges envers l’endroit. « C’était un peu une épreuve avant-gardiste avec un savant mélange d’obstacles artificiels et d’autres naturels. Les zones étaient rapprochées et le paddock juste à côté.»
Une fonctionnalité qui la discipline est passée au second plan. « C’est très relatif. C’est vrai qu’en Europe elle n’occupe plus le devant la scène, mais elle reste populaire en Indonésie et en Amérique latine par exemple. » L’exigence de ce sport, sa spécificité, son côté pointu pour les montures comme pour les pratiquants invitent moins à sa pratique et l’avènement de bien d’autres disciplines l’a poussé en dehors des écrans. Les normes écologiques n’ont certainement pas aidé à son renouveau, même si Thierry Michaud balaie cet argument. « Il n’y a ni pollution de l’air, ni pollution sonore », ponctue-t-il.
Le Trial des Nations, cerise sur le gâteau
L’écrin de Warken va vivre 20 années intenses avec en point d’orgue le Trial des Nations, cette compétition par équipes née en 1984 et qu’hébergera le Luxembourg en 1999. Cette année-là, la Grande-Bretagne dicte sa loi avec dans ses rangs Doug Lampkin, qui décrochera sept titres de champion du monde individuel.
Preuve que le trial s’est enraciné dans les gènes luxembourgeois, une équipe nationale prendra part au Trial des Nations de 1998 à 2019 avec une neuvième place en 2001 sur 13 nations au départ. Laurent Baatz, Christian Daleiden, Pascal Klares et Ken Mousty défendaient les couleurs grand-ducales à l’époque.
Le début des années 2000 annonce les premiers signes d’essoufflement de la discipline. La manche mondiale de 2002 de Warken est annulée en raison de la peste porcine. Le ministère des Transports marque son véto.
Le grand cirque revient bien l’année suivante, mais la fatigue s’est installée au cœur du club de Warken qui jettera le gant en 2008 après un dernier rendez-vous auquel ont pris part 20 pilotes de World-Pro, 24 dames, 44 juniors et 32 participants en youth-cup 125.
Le championnat national s’inscrira toutefois jusqu’en 2019 dans les environs d’Ettelbruck avant la crise sanitaire liée au coronavirus ne siffle la fin de la récréations. Il se chuchote que les organisateurs des manches de Coupe du monde relancent régulièrement le Trial-Club Warken pour renouer avec la tradition. Sans succès pour l’instant.
Marc Kosch est resté très vintage
L’histoire a débuté par des petits tours sur des 50 cc sur les crassiers de l’Arbed à Dudelange et se poursuit toujours aujourd’hui. Marc Kosch a la passion chevillée au corps. Le premier pilote luxembourgeois d’un championnat du monde de trial ne manquerait pour rien au monde les rendez-vous du mercredi et du samedi à Warken. «On est une demi-douzaine en semaine et parfois une vingtaine le week-end à s’entraîner », explique le citoyen de Machtum. « J’ai l’impression que les jeunes ont tendance à revenir à la discipline. On voit même des gamins de moins de dix ans s’y intéresser sur des motos électriques. » Des jeunes, mais pas que… La preuve, Marc Kosch n’a pas arrêté la compétition. Freiné depuis un an par la crise sanitaire, il ronge son frein en attendant de pouvoir retrouver le circuit Classic. « Celui réservé aux motos anciennes ! Les nouvelles sont trop puissantes pour nous », explique le sexagénère. « Moi, je roule sur une motobécane de 1956 et je participe encore à des épreuves comme le Ventoux Trial Classic qui attire 350 pilotes ou encore celui de la Costa Brava où l’on retrouve 400 à 450 concurrents.» Retraité des CFL (chemins de fer luxembourgeois), Marc Kosch astique sa bécane l’hiver pour qu’elle vrombisse au printemps. « On doit respecter des normes. Le moteur doit être refroidi par air et on doit disposer de freins à tambour. La moto doit aussi être équipée de deux amortisseurs à l’arrière. En fait, on ne peut pas changer grand-chose à part les roues», précise-t- il, un brin nostalgique des grandes heures de la discipline au pays. «Je me rappelle du monde dans la zone de Welscheid. C’était vraiment difficile. » Et à la question de savoir si le Trial-Club Warken peut encore raviver la flamme, Marc Kosch émet quelques doutes. «Les obligations de la FIM comme celle d’avoir un paddock sur du goudron et les normes environnementales ne facilitent pas la chose », ponctue-t-il.
Mental Médias SARL
15 Rue Emile Mark
L-4620 Differdange LUXEMBOURG
m : moien@mental.lu