À 24 ans, la meilleur sportive de l’année 2023 accumule les chronos stratosphériques et fait le plein de confiance avant les Jeux Olympiques de Paris fin juillet. Entretien avec Patrizia Van der Weken, la Flèche du Nord qui vise toujours plus haut à mesure que la confiance et les résultats s’amoncèlent.
Nous la suivons depuis plusieurs années et elle ne déçoit jamais. La jeune sprinteuse détient le record national du 100m avec 11,02s (à 21 centièmes du record national masculin!) et elle a pulvérisé au début de l’année les records en salle du 60m à 7,09s et du 200m à 23,39s.
Mental! : Patrizia, à quelques mois des JO, vous avez effectué un début de saison irréprochable, enchaînant les belles performances et améliorant vos temps de référence. Êtes-vous satisfaite de ces deux premiers mois ?
Patrizia Van der Weken : Oui, je suis très satisfaite ! Je pense que je n’aurais pas pu faire mieux. L’objectif était d’améliorer mes chronos sur 60 et éventuellement sur 200, j’ai réussi à faire les deux en mettant une belle claque à mes deux références ! J’ai eu l’opportunité de courir beaucoup sur le circuit international, avec des compétitions Bronze, Silver et Gold qui m’ont apporté de très belles expériences. Et puis j’ai réussi à faire des bons résultats sur des gros meetings ce qui n’est pas toujours évident, donc je suis plus que satisfaite de ce que j’ai fait jusqu’à présent. Il reste les championnats du monde en salle et puis ce « petit » chapitre des JO…
Après les compétitions indoor, la prochaine grosse étape sera Rome avec les Championnats d’Europe en extérieur. Quel est votre objectif pour ce rendez-vous ?
Actuellement, j’occupe la 8e place mondiale dans le Top10 2024 en salle. Je ne sais pas si tout le monde sera au rendez-vous, mais je me dis qu’avec un tel classement, je peux franchement prétendre à des finales. Pour les Championnats d’Europe, il va falloir être en forme assez tôt car cette année c’est en juin, mais ce ne sera pas un problème pour moi. Je suis bien depuis le début de cette saison. J’étais 7e sur le Top10 européen la dernière édition, je pense être mieux donc une finale est aussi un objectif accessible voire me rapprocher le plus possible d’un podium. J’imagine que je suis à présent dans une situation où je peux me permettre d’avoir des objectifs un peu fous! Je suis bien partie et si j’arrive à continuer dans le même rythme et la même foulée, je pense me qualifier pour la finale à Rome. Lors d’un Championnat, tout peut arriver, mais je me dois de me fixer de gros objectifs.
« Il faut être un peu folle ! »
L’incontournable pour 2024, ce sont les Jeux de Paris : c’est un rêve de petite fille qui va se réaliser. Quels mots adresseriez-vous à présent à la petite Patrizia qui rêvait ?
Quand j’ai commencé l’athlé, je ne me suis jamais vue accéder aux Jeux Olympiques, ce n’était pas un objectif, mais vraiment un rêve, quelque chose d’impossible. Je crois que je lui dirais qu’il faut être un peu folle (rires) ! J’étais et je suis encore un peu timide, facilement impressionnée d’un rien. Avec les années j’ai compris que ce n’est pas forcément la meilleure qualité. J’essaie de travailler là-dessus, d’être moins impressionnée par tout ce qu’il y a autour. Je crois qu’il faut apporter un peu de folie dans sa vie, croire en ses rêves, et surtout travailler dur pour y arriver. Même si le Luxembourg est un petit pays où le sport n’est pas la priorité dans les esprits, il ne faut pas que ce soit un frein quand on est sportif parce que on peut quand même faire des grosses perfs : Charel nous a bien montré que même en étant Luxembourgeois on peut faire une finale olympique ! Cela montre bien qu’il ne faut pas s’imposer de limites. En vrai, le reste on s’en fout : si tu bosses bien, que tu es bien entouré de personnes de confiance et qui connaissent leur métier, tout est possible.
Vos ambitions pour Paris 2024 : pensez-vous avoir une chance de médaille ou serez-vous satisfaite de passer un tour parmi le gratin mondial ?
Certes, j’ai dit « soyons fous » mais pour une médaille, ça reste chaud quand même (rires) ! Tout va dépendre de ma forme du moment, mais je vais tout donner pour être dans les meilleures conditions possibles. Sortir des séries ce serait déjà bien : une demie-finale est à envisager. Je pense que la dernière qualification va tourner sur un chrono autour 11,10s ou 11,15s, peut-être un peu moins, mais ce sont des chronos que j’ai déjà alignés quelques fois, donc pourquoi pas ? L’objectif de participer à la demi-finale me semble bien. Après, je sais qu’aux Jeux Olympiques, ça rigole pas, c’est la compétition la plus relevée au monde ! Donc il va falloir s’arracher et ne pas trop réfléchir. Je ne veux me mettre des limites dans la tête, il reste encore 4 mois.
« C’est grâce à Arnaud Starck que je cours vite ! »
Est-ce qu’on se prépare différemment pour courir aux Jeux plutôt que sur une saison régulière ?
En fait, la base est toujours la même. C’est la même différence que celle quand tu te prépares pour un run pour un événement et la préparation pour une compétition où déjà il faut te qualifier. Si jamais tu ne l’es pas, il faut aller courir les compétitions pour chercher les chronos qui te permettent d’avoir les minima. Là ce n’est pas le cas pour moi parce que je suis déjà qualifiée, donc on prépare l’Europe et les JO avec deux pics de forme. Ce n’est pas moi qui gère ça, c’est Arnaud qui le fait, donc je lui fais confiance pour me placer de la meilleure des manières. On a prévu de faire moins de compétitions et plus d’entraînements en vue de Rome et de Paris.
Qu’est-ce que vous apporte le coach dans votre progression constante depuis plusieurs années ?
C’est grâce à lui que je cours vite ! Sans lui, je ne peux pas faire grand chose ! Bien sûr que c’est moi qui cours, mais sans ses entraînements, son planning, les compétitions auxquelles il me fait participer, je ne serais rien. Si je progresse autant, c’est grâce au travail d’Arnaud.
Avec une délégation restreinte, tout le Grand-Duché place ses espoirs en vous, comment gère-t-on une telle pression à 24 ans ?
J’essaie de ne pas trop y penser. Je ne suis pas la seule à être qualifiée en athlé : déjà il y a Bob, il y aura sûrement Charel et pourquoi pas Vera. Ne pas être la seule, ça aide ! Je ne me mets pas trop de pression, ça ne servirait qu’à me donner un handicap. Je préfère transformer ça en émotion positive qui m’aide à me préparer. Me concentrer sur le positif et ne pas me faire des noeuds dans la tête qui pourraient m’handicaper en course. Mais j’espère qu’on sera nombreux encore à représenter le Luxembourg dans les autres sports : j’ai hâte de voir d’autres athlètes se qualifier et nous montrer dans énormément de disciplines à Paris.
Vous avez dit lors du CMCM que c’était toujours un plaisir de performer devant son public. Espérez-vous voir nos compatriotes nombreux cet été aux JO?
Oui, car malheureusement je ne fais pas beaucoup de compétitions au Luxembourg, mis à part les championnats nationaux et une ou deux en salle, mais outdoor je n’ai pas souvent la possibilité d’être avec mon public. Alors que ça aide beaucoup à faire des perfs si tu sais qu’il y a 200 personnes derrière toi, c’est dommage. Paris c’est pas loin, même si c’est assez cher, rien que les billets, mais aussi l’hôtel : c’est quand même l’évènement le plus important au monde, alors si les gens ont les moyens, ils ne le regretteront pas ! J’espère qu’il y aura du monde pour accompagner mon groupe d’amis qui fera le déplacement.
En 2023, vous avez obtenu la qualif aux JO, gagné l’or aux Universiades, vous poursuivez avec brio vos études en master, quelle est la recette pour garder la tête froide et les jambes légères et être aussi exemplaire ?
C’est tout simplement le travail. Après l’obtention de mon Bachelor en 2022, j’ai commencé les études en master, mais je dois avouer que cette année je mets vraiment le focus sur les Jeux et j’avance moins rapidement que je le souhaitais dans mes études. C’est normal, il faut faire des choix dans la vie, j’ai fait le choix des JO et tout n’est pas compatible. Je vais essayer de terminer ça en beauté et me laisser un peu plus de temps, car je ne veux pas passer mes diplômes à l’arrache, je veux faire ça bien.
« Je fais ce que j’aime le plus »
Quel impact le sommeil ou encore l’alimentation peuvent avoir sur la qualité de vos courses?
Bien dormir et bien manger, c’est la base : le corps a besoin de se reposer et d’emmagasiner du carburant. Je prends soin de mon sommeil en me couchant tôt et me réveillant tard, vers 8h. Je suis accompagnée et suivie pour gérer tout ça, car on a remarqué que si je dors moins, j’ai plus de mal à respirer. Comme pour l’alimentation, le staff médical sert de support, même si je n’ai pas un plan restrictif, heureusement ! Mais c’est important de pouvoir poser des questions et d’avoir facilement des réponses pour bien se nourrir.
Quel est le secret de ce sourire que vous arborez en toutes circonstances ?
(Rires) J’essaie juste d’être authentique ! J’aime faire des compétitions, je reste naturelle : si je suis de bonne humeur, les perfs vont suivre. Et puis je fais ce que j’aime le plus, c’est normal de renvoyer ça au public et de l’exprimer. Quand je vois mes parents ou des têtes que je connais dans le public, ça me fait du bien ! Enfin, on est un groupe d’athlètes aussi amies dans la vie, donc si on est bien on le montre à l’extérieur. Ça ne serait pas moi de ne pas sourire !
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