Si on devait trouver un mot pour décrire Yann Munhowen, ce serait « éclectisme ». Que ce soit dans sa vie professionnelle (il dirige avec son père la Moutarderie de Luxembourg) ou dans sa passion pour le sport mécanique, il fait preuve de diversité, tout en conservant une certaine tradition. Le pilote nous a accordé un long entretien sur sa passion pour le sport automobile et ses très intéressants projets futurs.
Ce qui est remarquable avec Yann Munhowen, c’est que l’on trouve des parallèles entre la gestion de sa carrière dans le sport automobile et celle de la Moutarderie de Luxembourg qu’il co-dirige avec son père Roland. Il y a des événements auxquels il participe quasiment chaque année, comme le Rallye Köln-Ahrweiler. À l’échelle de son entreprise, ce serait la moutarde. Mais à côté de ces événements, il n’hésite pas à se lancer dans différents projets qui viennent élargir son expérience, à l’image des différents types de sauces que la moutarderie s’est mise à produire lors des deux dernières décennies. Mais revenons aux commencements.
La passion pour le sport mécanique est très souvent un héritage familial. Un fils qui observe son père bichonner sa dernière acquisition, une fille qui accompagne ses parents le long de nos routes. Et voilà que naît l’attachement pour les moteurs vrombissants. Pour Yann Munhowen, ce n’est pas du tout le cas. « Je me suis passionné tout seul, comme un grand », souriait-il, « ça m’est venu en regardant la télévision et en assistant à des rallyes. » Une fois le permis en poche, c’est vers le karting qu’il s’est tourné. Pendant deux années, il a disputé le championnat d’Alsace-Lorraine pour le Team de Mike Weis.
Ensuite, il était temps de se lancer dans le sport auto. Et pour un touche-à-tout, quoi de mieux pour commencer que le Youngtimer Trophy qui, à l’époque, était un championnat qui regroupait 3 disciplines différentes : le circuit, le slalom et le rallye. C’est là qu’il se noue d’amitié avec Bob Kellen : « Aux 500km du Nürburgring, je roulais avec une BMW 323 Groupe 2. On a eu quelques ennuis. Bob Kellen et Christian Franck sont alors venus nous aider. »
Dans ce championnat, il y avait un rallye à disputer, celui de Köln-Ahrweiler. Malheureusement, la BMW n’était un véhicule adéquat. Il fait donc l’acquisition d’une voiture sœur de celle qu’il pilote sur les circuits et la transforme en voiture de rallye. Après deux saisons comme copilote de Marc Lederle, il se lance en 2007 dans son tout premier rallye en tant que pilote avec, à sa droite, Steve Lanners. « Malheureusement, on a dû abandonner sur un souci de cardan. On a appris de cette erreur. On a mis des cardans plus solides et on est revenus année après année sur ce rallye. Année après année, on a amélioré notre voiture et notre classement », se remémore celui qui, par la suite, allait devenir double Champion de Luxembourg des Rallyes.
Entretemps, avec Bob Kellen, Christian Franck et Gerry Schanen, il s’est lancé dans un pari fou : disputer les 24h du Nürburgring avec un équipage entièrement luxembourgeois. Le 25 mai 2008, ils sont sur la ligne de départ avec une Ford Fiesta décorée sous les couleurs de GDMH-Motorsport. Ils terminent 137e au général, 10e de sa catégorie. Pendant la course, un jeune mécanicien se distingue. Un certain Max Schiltz.
La suite de la carrière de Yann Munhowen oscille. Ayant fait le tour en long, en large, en travers du Youngtimer Trophy, il était temps de prendre ses distances. Que faire ? Circuit ? Rallye ? Et puis après tout, pourquoi obligatoirement choisir ? « Entre le rallye et le circuit, c’est du 50/50. Il y a des saisons où j’ai envie de faire plus de rallyes, d’autres où je préfère le circuit. Mais sur le circuit, je n’aime pas tant que ça les courses sprint. Je préfère de loin l’endurance. C’est plus tactique et j’aime bien le fait de partager le volant avec d’autres pilotes », nous explique-t-il.
Alors il cumule les casquettes. Il participe à l’Euro Rallye Trophée, dont il termine 3e en 2017. Il participe au Championnat de Luxembourg des Rallyes et décroche la timbale par deux fois, une fois en 2017 sur Subaru Impreza et une fois en 2018 sur Mitsubishi Lancer Evo VIII. En même temps, il enchaîne les participations aux 24h du Nürburgring. En 2017, il y récolte son premier podium de catégorie avec l’ADAC Team Weser. En 2019, 2020, 2021 et 2024, il remporte même sa classe, mais ces dernières éditions lui laissent un goût amer. « Les dernières éditions m’ont énervé. Elles ont constamment été interrompues. Ce n’est pas gratuit d’y rouler. Et quand on voit le peu de temps qu’on passe alors au volant… Ça n’en vaut pas le coup. Cette année, j’ai roulé pendant 1 heure », regrettait-il.
Bon. Exit l’endurance alors ? Pas vraiment. Avec Bob Kellen, Yann Munhowen goûte aux joies de l’endurance en voiture historique au volant de la Ford Mustang du DJAG Racing de Joël Prim et Donny Wagner. Il n’en faut pas plus. Ils vont recréer l’équipage de choc, eux deux avec Christian Franck. Mais le 9 août 2023, tout bascule : Christian Franck, qui est testeur de pneus pour Goodyear par profession, perd la vie à 39 ans suite à un accident sur le Nürburgring pendant un test. Le monde du sport mécanique luxembourgeois est choqué.
Yann Munhowen et Bob Kellen décident de ne pas abandonner le projet. Max Schiltz vient renforcer l’équipe, lui qui commence à montrer un excellent rythme en rallye. Le trio termine l’année 2023 en beauté : une 3e place de catégorie sur les Spa 6 Hours et un podium partagé avec une certaine Vanina Ickx, avec une pensée émue pour leur ami parti trop tôt.
Pour 2024, il y a un objectif qui se dégage : les 2 Tours d’Horloge du Castelet, la seule course d’endurance de 24h pour véhicules historiques au monde. « C’était une idée de Bob », sourit-il, « mais évidemment, on est tous très enthousiastes. On aurait comme renfort côté pilote Steve Zimmer. » En préparation, l’équipage a terminé les Spa 3 Hours en 11e position de catégorie. « On n’a jamais été aussi rapides que lors de ce weekend-là. C’est vraiment de bonne augure pour la suite », se réjouissait-il. Alors oui, sur papier, on peut se dire que c’est un résultat en dedans après le podium aux 6 Hours, mais aux 3 Hours, il y a moins de catégories. « Par rapport aux voitures de notre catégorie aux Spa 6 Hours, on a déjà un déficit de performance au niveau moteur. Alors ici… C’était impossible de matcher avec les équipes de tête. »
La participation aux 2 Tours d’Horloge du Castelet n’est pas encore officielle. Il faudra d’abord réussir la répétition générale qui aura lieu lors des Spa 6 Hours le dernier weekend de septembre. Si celle-ci est concluante, alors ils se lanceront dans l’organisation démentielle que nécessite une course de 24 heures. Pour la réaliser, ils auront un peu plus d’un mois puisque les 2 Tours d’Horloge se tiendront le weekend du 2 et 3 novembre.
Après avoir connu des éditions des 24h du Nürburgring au rabais, Yann Munhowen a hâte de regoûter à la discipline reine de l’endurance. « Le but n’est pas d’être à chaque tour à la limite. Il faut savoir préserver la voiture sans être lent. La sensation de rouler pendant la nuit est incomparable. On ne dort pas bien pendant la course, mais l’adrénaline vous garde pendant tout votre relai sur le qui-vive. Ce n’est certainement pas un type de course qui s’adresse à tout le monde, mais moi, j’adore. » Alors, on croise les doigts pour que la prochaine course à Spa se passe pour le mieux et pour voir l’équipage luxembourgeois au départ et à l’arrivée sur le circuit Paul Ricard. On croise les doigts qu’ils réalisent ce projet pour eux-mêmes, pour nous, fans de sport mécanique, mais surtout pour la mémoire de Christian Franck, qui nous a quittés beaucoup trop tôt.
Andy Foyen
Mental Médias SARL
15 Rue Emile Mark
L-4620 Differdange LUXEMBOURG
m : moien@mental.lu