Tu as grandi dans un environnement extrêmement footeux j’imagine. Est-ce que c’était une maison dans laquelle le ballon rond était le seul sujet abordé ?
Non, ça c’est un peu un cliché. Les gens se disent forcément qu’une famille de footballeur ne peut que parler de ça. Mais on parle beaucoup d’autres choses, du Maroc, d’où vient nos racines, mais aussi de tout et de rien. On est comme tout le monde.
Dans ce contexte, tu savais déjà très jeune que tu voulais être footballeur ?
Pour le coup, oui. On peut dire que je suis né avec un ballon dans les pieds. Très tôt, j’allais voir mon frère jouer à l’entraînement. Quand je pouvais, j’allais aussi voir mon père. Quand mon frère partait se préparer avant le match dans les vestiaires, j’allais souvent sur le terrain faire des frappes, des petites courses, actions… Et quand les joueurs rentraient sur le terrain je partais vite fait.
Ton père, c’est ce qu’il souhaitait pour toi, ou au contraire il aurait préféré que tu fasses une carrière plus « normale » ?
Sincèrement, je pense qu’il voulait aussi, pour sa fierté personnelle qu’on fasse du foot et qu’on en fasse notre métier. Ça le rend très fier de nous. Il nous a poussé. Il a été dur avec nous, honnêtement. Il voulait qu’on progresse, qu’on soit le meilleur de nous-mêmes. Il était très exigeant. Même aujourd’hui, quand on fait un petit foot avec lui pour le plaisir, il ne nous lâche pas. Pas le droit de rigoler, une mauvaise passe et il nous tue alors qu’on est en vacances (rires) ! Nous on est là pour prendre du plaisir, alors que lui est en mode compétition. Si je fais un mauvais truc, ça se passe mal. Quand je vais jouer avec mon père, j’ai une pression d’avant-match (rires) !
Ça n’était pas énormément de pression, d’avoir un père et un oncle qui ont fait deux grandes carrières ?
C’était plus une motivation qu’une pression. Je me disais « il y a eu mon père, mon oncle… il faut aussi que je réussisse ». Après, c’est certain que c’est difficile quand tu es le « fils de » quelqu’un parce qu’on attend forcément plus de toi. Si on ne te connait pas et qu’on te voit jouer on va dire « tiens il est bon ce joueur ». Mais quand tu entends « c’est le fils de Hadji », tout de suite tu dis « ouais il est bon mais… c’est pas son père quand même ». Je n’en veux à personne, c’est naturel. Il faut apprendre à vivre avec. Et il y a aussi le côté « il est dans le groupe ou dans le club parce que c’est le fils de Hadji, pas pour ses qualités ». Ça je l’ai entendu à Metz quand j’étais en jeunes. Le directeur de formation me l’a dit régulièrement.
Cela a pu te faire te remettre en question ?
Sincèrement, ce sont des choses dures à entendre. Moi, j’ai rien demandé. J’aime le foot, je veux jouer, c’est aussi simple que ça. J’estime qu’on m’a pris pour mes qualités, pas pour mon nom. Et je suis pas le fils de Cristiano Ronaldo non plus. Des fois ça fait mal, mais on vit avec. J’ai l’habitude.
Ton frère a suivi dans les traces du footballeur. Est-ce qu’il n’y a pas un jeu de comparaison parfois qui peut-être difficile, ou le soutien est-il constant ?
100% soutien. Sans aucun débat. D’ailleurs, quand je suis arrivé ici, il m’a énormément aidé pour l’intégration. Cela m’a rendu les choses très simples. Quand tu arrives au Fola et que tu es le frère de Samir Hadji, tout devient plus facile. Et quand il est parti, ça m’a aussi aidé d’une certaine manière. Cela m’a donné de la place pour m’exprimer. Et comme aujourd’hui je fais une belle saison, oui on me compare avec. Mais ça fait partie du jeu et c’est plus motivant qu’autre chose.
Ce qu’on remarque chez les Hadji, c’est que vous êtes tous portés vers l’attaque. Tu n’as jamais pensé à jouer à un poste plus bas sur le terrain ?
Je pense qu’on a des profils offensifs. On est né peut-être avec une aisance technique, qui nous a fait nous porter vers l’attaque. Mais ça m’est arrivé, en particulier à Metz, de jouer latéral droit. Quand les pros venaient en réserve de temps en temps jouer avec nous, on les mettait à leur poste de prédilection, et les jeunes devaient alors disputer la rencontre à un poste différent. Donc plusieurs fois j’ai joué latéral, et je n’ai pas été mauvais (sourire).
Tu viens de dire « on est né avec une aisance technique ». Est-ce que tu penses que c’est quelque chose d’inné ? Ou est-ce ton père qui te l’a inculqué en te mettant un ballon dans les pieds ?
Je pense qu’il y a une partie inné. Evidemment, il y a du travail. Mais quand j’étais en poussins, à l’âge de 7-8 ans, sans prétention bien sur, je pense que techniquement je faisais partie des meilleurs. Et on parle d’un âge ou tu ne travailles pas encore. Donc je pense qu’il y a quand même une part d’inné.
Comment est-ce que tu débarques au Fola ?
Tu as eu des débuts difficiles. A quoi était-ce du à ton avis ?
Je pense à beaucoup de choses. Déjà, en arrivant en milieu de saison, c’est toujours plus compliqué. Ensuite, il ne faut pas oublier que la première année, j’arrive vraiment dans un excellent groupe, en particulier en attaque. Il y avait énormément de qualité. Et si tu rajoutes à ça des pépins physiques – je me suis cassé le nez, des soucis au genou – ça complique pas mal la donne.
Pour ma deuxième année, j’ai déjà plus joué. J’étais toujours dans le groupe, mais le coach Jeff Strasser me donnait seulement des bouts de match. J’avais l’impression qu’il avait déjà son groupe prédéfini et que c’était compliqué de renverser les choses. Après, c’est lui le coach, c’est lui qui prend les décisions, c’est son travail. Je respecte.
Mais c’est sur qu’avec Sebastien Grandjean, c’est autre chose. Avec lui, dès le premier jour, on a senti que tout le monde repartait de zéro. Personne n’avait de place assurée. Et si tu fais tes preuves, à l’entraînement ou en match, tu auras ta chance.
Cette année, tu rayonnes ? Qu’est ce qui explique ce changement ?
Je ne pense pas être un joueur différent. Après tout, personne ne change en quelques mois totalement. Je pense être le même sur le plan du physique et du talent. Mais mentalement, là c’est sur qu’il y a du changement. Ça fait une différence énorme, quand tu as confiance, et que tu sens que tu as aussi la confiance du groupe. Un joueur devient tout de suite deux, trois fois meilleur. Et c’est mon cas.
Le titre de meilleur buteur, ça a une importance pour toi ?
Evidemment que ça a une grande importance. Déjà, quand tu es buteur, il faut pas se mentir, tu en vis du but. C’est ton objectif, tout le temps. Et bon… si tu es à trois buts à la trêve, évidemment que tu ne fais pas de ça un objectif. Mais quand tu es comme moi, c’est sur que tu veux aller le chercher.
Tu regardes le classement des buteurs tous les week-ends ?
Oui, je regarde le résultat des autres, d’Abdallah. Mais je te promets qu’il fait pareil (rires) ! Après, c’est une bonne chose, c’est sain, et ça nous fait tous les deux nous tirer vers le haut.
Tu as un joueur ou entraîneur, que tu as côtoyé que tu retiens plus que les autres ?
Quand j’étais en Espagne à Gava, il y avait Carlos Mena. Il avait été à l’Atletico Madrid, et ce mec c’était… génial. Il avait vraiment une capacité à mettre les joueurs en confiance. Il savait te parler, te faire sentir important.
Et, et je ne dis vraiment pas ça parce que c’est mon coach aujourd’hui, mais Sebastien Grandjean. Avec lui, tout le monde est sur un pied d’égalité. Et de la même manière que Mena, il te donne confiance en toi. Et il fait exactement la même chose avec les jeunes. Non, vraiment, c’est du très très bon.
Et tu as une référence, quelqu’un dont tu t’inspires sur le terrain ?
Aujourd’hui, je dirais que c’est Benzema, dans le style de jeu, son profil, tout. Il est impressionnant. Après, si je peux parler d’un joueur du passé alors sans aucun débat, c’est R9. Je l’avais vu jouer à Madrid, en fin de carrière, quand il avait un peu de poids en trop et c’était déjà très fort. Mais alors, ses premières années… C’est vraiment un truc de malade. La vitesse, la puissance, la finition. Tout. Un vrai phénomène. C’est pas pour rien qu’on l’appelait il fenomeno (rires) !
Etre titulaire, meilleur buteur, potentiellement champion du Luxembourg. Est-ce que ça te suffit ? Tu veux plus ?
Avant tout, évidemment que c’est une satisfaction personnelle. Mais honnêtement, je vois plus ça comme une étape. Si j’avais la trentaine passée, je pourrais m’en satisfaire. Mais j’ai 24 ans. J’ai envie de plus, d’aller plus haut, plus loin. C’est un très bon moment mais j’aimerais capitaliser dessus pour pousser encore plus.
Dans ton ambition de carrière, tu imagines la suite au Luxembourg, où ça te parait normal d’aller ailleurs et plus loin ?
Sincèrement… Je pense qu’on est tous pareil ici. Bien sur le championnat est bon, compétitif. Mais on a tous envie de participer à un « vrai » championnat professionnel. Je pense que c’est logique. Aller jouer dans un pays ou la passion est plus forte, avec plus de monde, un plus haut niveau, c’est le rêve de tous. Je ne suis pas différent d’eux.
Tu expliques comment l’absence de professionnalisation dans un pays comme le Luxembourg ?
C’est compliqué… Ce qui est certain c’est que les moyens sont là. Après, je ne sais pas si je suis le mieux pour parler de tout ça. Mais ce qui manque le plus, c’est évidemment la visibilité. On manque de spectateurs au stade – hors COVID – on manque de retransmission, on manque de qualité d’images. Dans ce contexte, c’est très difficile de mettre en valeur ton championnat et ses joueurs. Regarde les transferts : un agent veut proposer un joueur du Luxembourg, le club va demander une vidéo, et là on fait quoi ? C’est difficile. Si je sentais vraiment que le championnat allait vers la professionnalisation, avec une vraie retransmission télé, un plus gros engouement, c’est avec plaisir que je resterais ici.
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